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Lors de son discours de Créteil, le 13 octobre, Manuel Valls a annoncé la création d’une Opération d’Intérêt Nationale « multi-sites » couvrant Campus Grand Parc. Bonne ou mauvaise nouvelle ?
Les OIN sont des opérations d’inspiration sarkozyste (ou Napoléon III) dans lesquelles « c’est l’État et non la commune qui délivre les autorisations d’occupation des sols et en particulier les permis de construire. De même, c’est le préfet et non la commune qui décide de la création d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) à l’intérieur d’une OIN. » Créer une OIN, c’est donc dessaisir la commune. Et dans le cas de Campus Grand Parc, Zac crée par la Communauté du Val de Bièvre, c’est dessaisir le Val de Bièvre.
Il s’agit dons apparemment d’un mauvais coup de Manuel Valls contre la démocratie locale, bien dans la ligne de l’autoritarisme et du centralisme de la loi Grand Paris-Métropole, qui dessaisit les territoires de la maitrise de leur destin. Mais voyons les choses de plus près.
Cancer Grand Parc est une ZAC de la Communauté du Val de Bièvre couvrant tout l’Ouest de la Commune de Villejuif, et confiée à un redoutable aménageur, la Sadev-94. Dans un premier temps, la Sadev voulait exproprier une cinquantaine de pavillons au nord de l’hôpital Gustave Roussy, urbaniser le quart nord-ouest du parc des Hautes Bruyères, la totalité du terrain des Maraichers (dernière terre agricole de Villejuif, au sud du Parc, de l’autre coté de l’avenue de République) et un tiers des jardins familiaux de l’Épi d’Or, brisant ainsi la coulée verte « Bièvre-Lilas ».
La lutte des habitants et des jardiniers, soutenus par les Verts et Villejuif Autrement, et l’intervention de Daniel Breuiller, maire (EELV) d’Arcueil et vice-président du Val de Bièvre en charge du dossier, permit de sauver la plupart des pavillons et des jardins familiaux. Mais le PLU voté en décembre 2013 par l’équipe Cordillot entérinait tous les autres vœux de la Sadev.
Le combat de L’Avenir à Villejuif pour sauver le Parc et le Terrain des Maraichers, soutenu par Ile-de-France Environnement, organisant la résistance lors des enquêtes publiques sur le Contrat de développement territorial, sur le Schéma directeur de l’Ile de France (SDRIF), sur le Schéma Régional de Cohérence Écologique puis sur le PLU, permit d’obtenir de nouvelles avancées. Le SDRIF a reconnu le caractère « d’importance régionale » du Parc des Hautes Bruyères et précisé qu’il ne fallait plus diminuer la surface d’espaces verts à Villejuif.
Enfin, la victoire de l’Union citoyenne à Villejuif, a permis d’ouvrir la révision du PLU et de confier la responsabilité de l’urbanisme à Natalie Gandais.
Une négociation sérieuse a dès lors pu commencer entre Villejuif et le Val de Bièvre pour « ajuster » le projet Campus Grand Parc aux exigences de la nouvelle politique de Villejuif :
1. Sauver le parc des Hautes Bruyères et le terrain des Maraichers de l’urbanisation,
2. Recentrer la ZAC Campus Grand Parc en zone d’activité autour du projet médical, scientifique et industriel Cancer Campus, afin de rééquilibrer le rapport entre population et emplois à Villejuif et dans le Val de Bièvre,
3. Refuser la construction de logements en bordure de l’autoroute, dans la zone de bruit et de vapeurs de diesel.
En septembre, on s’orientait vers un compromis délicat :
sacrifice partiel du nord-ouest du parc, entre la future station du métro Grand Paris Express et la Redoute des Hautes bruyères (où serait implantée une fac)…
…compensé, pour une surface équivalente, par l’intégration au Parc d’une bonne partie du terrain des Maraichers, prolongé, au sud des jardins familiaux de l’Epi d’or, par l’intégration d’un petit bois délaissé entre les Castors de l’Hay les Roses, l’autoroute et la Zone d’activité de l’Épi d’Or…
et donc renfoncement d’une barrière verte, couloir de biodiversité inconstructible, le long de l’autoroute.
Par ailleurs, il faut se souvenir qu’un des arguments de la Sadev pour « justifier » l’urbanisation de nos espaces verts était que ça permettrait de financer la rénovation des cités HLM Armand Gouret et Alexandre Dumas ! Un peu comme si l’on exigeait de céder aux promoteurs un morceau des Buttes-Chaumont pour financer la rénovation des HLM parisiens…
Mais le mois dernier, grâce à l’unité du Val de Bièvre face à l’État (et à la bienveillance du préfet), Villejuif a obtenu que 3 quartiers, redessinés, soient reconnus « prioritaires » dans la Politique de la Ville : Mermoz/Lamartine/Hochard (quartier voisin de l’Haÿ), Alexandre Dumas, et… un quartier biscornu : Lozaits-Nord (Rodin) / Armand Gouret / Julian Grimau.
Attention ! ce n’est pas parce qu’un quartier est reconnu « prioritaire » par la Politique de la Ville qu’il a droit à une opération de rénovation urbaine financée par l’État. En fait, on n’espérait guère jusqu’ici de rénovation urbaine « ANRU » que sur Lamartine/Hochard.
Mais ces nouveaux développements changent la donne : Armand Gouret, Alexandre Dumas et Julian Grimau peuvent dorénavant espérer un participation de l’État au coût de leur rénovation.
Et c’est ici qu’intervient l’annonce bizarre de Manuel Valls. On peut la considérer comme une confiscation par l’État, au bénéfice des promoteurs exaspérés par le compromis négocié entre Villejuif et le Val de Bièvre. Mais c’est aussi la possibilité de négocier avec l’État une implication dans la rénovation de ces cités particulièrement dégradées et abandonnées de Villejuif, tout en respectant les multiples fonctions écologiques du parc des Hautes Bruyères et de la zone verte terrain des Maraichers / Épi d’or.
Rien n’est joué !
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