Accueil > Actualités > Le débat escamoté sur la tranquillité publique
Le cabinet Spallian, qui a fait un excellent travail de diagnostic et de propositions sur la tranquillité publique, présente au conseil municipal un document... insipide.
Le conseil municipal est suspendu pour permettre au Cabinet Spallian de présenter son diagnostic et les propositions stratégiques sur la tranquillité publique.
Il y a un an et demi, au temps de l’Union citoyenne, nous avions été conviés, en bureau municipal, à la présentation par Spallian d’un très riche diagnostic de sécurité, insistant sur l’importance stratégique de la médiation – prévention et faisant le point sur tous les « acteurs de paix » dont Villejuif est loin d’être dépourvue. Nous étions partisans de rendre ce document public pour qu’il puisse être encore enrichi. En vain.
Depuis, silence radio. Depuis un an nous soupçonnions que le maire et le maire-adjoint à la tranquillité publique, J. Carvalho, travaillaient à inverser le sens des concluions du rapport en supprimant le volet médiation-prévention. Une fois, en bureau municipal, on nous avait annoncé que la police municipale s’occuperait strictement de police administrative (la prévention, le lien avec la population), tandis que le contact avec les délinquants et dealers serait réservé à la police nationale. Et pourtant cette police municipale serait armée « car on ne trouverait pas à recruter des policiers municipaux si on ne leur disait pas qu’ils seraient armés ». Les groupes VNV (Vidal ) et le notre s’étaient catégoriquement opposés à ce choix.
Les Ateliers de L’Avenir à Villejuif, convaincus lors d’une mémorable rencontre entre citoyens et praticiens, furent les premiers sur la ville à proposer une police municipale organisée en îlotiers (police de proximité). « Municipale », puisqu’il est très peu probable que la Police nationale nous offre des ilotiers, ce qui du point de vue de nos finances est fort dommage (voir le débat entre nous au sujet du Rapport Mechmache). Nous sommes régulièrement ré-intervenus dans Villejuif notre Ville pour relancer le débat et rappeler nos positions.
Que ces ilotiers puissent être armés si on leur confie des missions plus « agressives » en zone dangereuse peut s’entendre, mais doit faire l’objet d’un vrai débat. On ne peut décréter comme ça que les policiers municipaux seront armés. La majorité des fonctionnaires municipaux est contre. Même les « experts » les plus sécuritaires (Alain Bauer) ont des doutes !
Quant à la vidéosurveillance (passive) ou la videoprotection (active, donnant l’alerte pour une intervention), dont se réclame abondement aux entrées de Paris la municipalité parisienne socialistes-communistes-écologistes, il faut en préciser l’utilité et la portée, parce que ça coute très cher.
On attendait donc avec impatience et attention le rapport Spallian. Hélas ! N’a été distribué aux conseillers municipaux et projeté au public qu’un mince « PowerPoint » très édulcoré, en deux parties : diagnostic et stratégie.
Le diagnostic de la délinquance est réduit à quelques chiffres non problématisés. ( Par exemple : on a moins de consommation de drogue que la moyenne du département, et pourtant la ville est couverte de spots de vente, ce qui veut dire qu’elle est principalement un lieu de ventes pour clients non – villejuifois). Mais on s’interroge sur cet autre chiffre : « moins de vandalisme que la moyenne du département ». Il apparait alors que les problèmes de sécurité supérieurs à la moyenne départementale sont les « vols avec violence en particulier sur les femmes », puis les violences sexuelles. L’insécurité des femmes est le problème majeur de Villejuif, ce qui est un problème politique.
Le beau diagnostic sur les ressources de tranquillité publique que nous avions lu il y a plus d’un an (rôle des associations, des structures ouvertes…) a purement et simplement disparu.
La partie Stratégie donne pourtant un poids considérable à la prévention par l’éducation des jeunes, la médiation etc, mais ne donne aucun détail sur quel moyens mettre en œuvre pour cela, sinon des organigramme copiés-collés des directives préfectorales.
Le tout fait quelques pages. Bref : impression qu’on se fiche de nous, et que ce n’est pas Spallian.
Aussitôt fini l’exposé, tous les groupes laissent éclater leur colère (le mot n’est pas trop fort dans le cas de Franck Perillat, PCF, littéralement furieux). D’une part, on veut un vrai rapport, et pas ces pages insipides et vagues. D’autre part, on veut discuter de la stratégie : quelle place pour la police municipale ? Quelle place pour la vidéosurveillance ?
Natalie Gandais intervient en notre nom.
A propos de la présentation, par le cabinet Spallian, du Diagnostic Local de Sécurité, et de la Stratégie territoriale de Sécurité et de Prévention de la Délinquance, elle commence par saluer le remarquable travail effectué par le bureau d’étude. En effet, quand nous étions dans la majorité, nous avions beaucoup contribué à l’élaboration du diagnostic, à travers nos délégations à la Politique de la ville, à la vie associative ou à l’habitat. Nous avions signalé au bureau d’étude de nombreux acteurs associatifs, qui avaient été rencontrés et avaient pu exprimer à quel point ils étaient disposés - et désireux- de s’impliquer dans une stratégie de prévention.
Hélas, avec cette majorité recomposée à droite, il ne faut plus compter sur des missions de prévention, en direction des enfants, des adolescents et des parents, qui auraient pu être confiées aux associations. Le forum que Natalie Gandais voulait organiser avec l’OPH, pour faire rencontrer les associations locales (qui ont des propositions) aux bailleurs (qui ont des préoccupations de tranquillité résidentielle et des locaux à proposer en pied d’immeuble), le maire n’en veut plus. Il ne veut pas non plus entendre les artistes du Chêne, il les expulse sans discussion. Bien qu’ils aient été reconnus et subventionnés par la ville pour divers ateliers pour enfants et ados, bien que nous nous soyons engagés à chercher des pistes pour les reloger, le maire ne les reçoit pas.
Natalie souligne que la suppression de l’accueil de loisir une semaine pendant les grandes vacances, au risque de voir des enfants à la rue, va exactement à l’opposé d’une politique de prévention cohérente.
Enfin, elle a déploré que la Stratégie présentée au conseil, et surtout le budget 2016 soit finalement orientée exclusivement vers la création de la police municipale, sans toutefois que le cabinet Spallian ait été invité à présenter au conseil ses recommandations concernant les missions de cette police, alors que cela faisait partie du travail commandé. En particulier, lors de la dernière réunion du comité de pilotage « sécurité » à laquelle nous avions été conviée (il y a plus d’un an) il semblait admis par tous que, suivant les recommandations de Spallian, cette police ne serait pas équipée d’armes à feu... Mais il semble bien que les missions de la police municipale ne seront pas présentées au conseil municipal, mais seulement au CT.
J. Carvalho monte au créneau avec deux arguments 1. On n’est pas là pour parler de stratégie mais de diagnostic 2. Il y a de deux gros rapports écrits, sur le diagnostic et sur la stratégie, de plusieurs centaines de pages chacun, ils sont si gros qu’on ne peut pas les distribuer.
Devant les protestations, sur le second point, il propose qu’on vienne consulter les rapport dans le bureau du directeur de la tranquillité publique. Colère des élus : « Mais ce rapport on l’a payé ! Il est là pour nous aider à prendre des décisions ! On va saisir la Commission d’Accès aux Documents Administratifs ! » Nouvel argument-massue de J. Caravlho : « On ne veut pas que ce qu’il y a dedans se retrouve dans la presse ou les réseaux sociaux. »
J’interviens, texte en main, pour commenter le deuxième partie, bel et bien intitulée « Stratégie » et souligne la différence entre ce que semble plaider le rapport (médiation et prévention) et le fait qu’il ne soit question au budget 2016 que de police municipale, sans préciser si elle sera armée ou pas. Je demande également quelle suite madame Ouchard compte donner au très riche débat « Face à la violence à Villejuif » dont elle avait la responsabilité politique, et qui fut beaucoup plus riche que ce qui nous est présenté en PowerPoint. Sans aucune réponse.
La discussion devient très confuse. Selon J. Carvalho, quant à la stratégie, on en discutera en Conseil local de prévention de la délinquance, et quant à l’armement on en parlera en Commission technique paritaire.
Et on a beau revenir à la charge « Pourquoi, alors que ce PowerPoint de Spallian insiste tant sur la prévention et la médiation, le budget 2016 ne prévoit d’embaucher que des policiers et aucun médiateur ou éducateur ? », J. Carvalho nous appelle invariablement à la patience : les bons médiateurs sont difficiles à trouver. Ah bon ? Les policiers capables d’intervention non-violente et respectueuse sont plus faciles à trouver ?
Il faut donc débattre dans le noir. J’ai toutefois l’impression que les groupes de l’ex-liste Cordillot ne s’opposent plus frontalement à la création d’une police municipale, mais veulent discuter de « quelle police ? » Le MRC a toujours été pour. Rappelons que nous voulons une police d’îlotiers liée à a population (et n’intervenant donc pas forcément dans tous les quartiers : ce n’est pas une BAC bis), et non armée.
Au cours de ce débat, le maire laisse de temps en temps tomber, "pour qu’il y ait égalité de l’information" (sic), d’un air aussi entendu que satisfait de savoir tant de choses que les autres ne savent pas, de rares indications. Il raconte par exemple comment un an d’observation depuis des fenêtres camouflées, rue Henri Barbusse, n’ont pas permis à la Police nationale de « remonter la flière » car les dealeurs vont recruter des jeunes à Chatelet etc…
Cet « outing » nous laisse froids : nous étions au courant, désapprouvions (et nous l’avons dit) cette passivité apparente de la police sous prétexte de « remonter la filière » alors que ce que les habitants et les parents demandent, c’est qu’on en finisse avec le contrôle du carrefour par les dealers. Mais évidemment nous n’avions pas parlé publiquement de cette technique policière, et nous ne sommes pas sûrs que le maire ait été autorisé par la police à en parler en public, ni que cette histoire de Chatelet ne soit pas une "approximation" de sa part, d’ailleurs hors-sujet.
Mais quelques temps plus tard, volant enfin au secours de J. Carvalho, le maire laisse tomber, foudroyant la journaliste du Parisien du regard : « Et puis, ce sentiment d’insécurité, c’est la faute des amalgames de la presse et des réseaux sociaux ! Nous avons eu trois incendies qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, plus des départs de feux dans les poubelles parce que les gens jettent des mégots dans les poubelles. L’incendie de la mairie, on a l’un des coupables, son complice est identifié, l’enquête est en voie de finalisation ! Donc ceux qui liront les rapports devront signer un engagement de confidentialité ! » .
Typique. Cet homme vient de commettre le second « outing » public de la soirée, plus pour se rengorger que pour nourrir le débat, et maintenant il reproche à la presse de faire son boulot pour compenser des semaines, des mois de « secret défense » mal placé.
Il vise en effet l’hypothèse du Parisien (que nous avions discutée en son temps) selon laquelle ces incendies seraient des "messages" mafieux destinés à rappeler au maire des promesses électorales non tenues. Nous sommes d’accord que tous les incendies dans Villejuif ne peuvent ramenés à une cause unique. Certains (et nous avons été les premiers à le montrer dans le cas de la ludothèque) étaient en effet accidentels. Mais pas les voitures de fonction de la mairie systématiquement brulées à une certaine époque. Et rien n’exclut ou ne prouve à l’heure actuelle que l’incendie de la piscine et celui de la mairie, manifestement criminels , ne sont pas des "signaux" d’opposants (pour des promesses non tenues ou toutes autres raisons). L’enquête policière est loin d’avoir tranché. Le débat "Face à la violence dans Villejuif", organisé par nos maires adjointes, à la demande d’une habitante des Lozaits et sous la responsabilité de Mme Ouchard, avait permis un premier dégrossissage qu’on s’étonne de ne pas retrouver au diagnostic présenté ce soir.
Formé par 5 années de « diplomatie parlementaire » entre l’Union européenne, les Présidents des Pays Andins et leurs guérillas, je sais quand il faut se taire et quand on doit rendre compte aux citoyens (voir par exemple ici ou là). Mais j’ai appris aussi à repérer ceux qui se donnent des airs importants en retenant sans raison les informations qu’ils doivent aux citoyens qui les ont élus et qui les paient, en se cachant derrière une ridicule micro-raison de micro-État.
Le Conseil reprend sans décision ni vote.
(Note complémentaire à ce compte-rendu : après ce conseil municipal, les fiches de postes des policiers municipaux ont été distribuées en Commission Technique Paritaire. Ils « pourront » être armés et n’opéreront pas en îlotiers. Na ! )
Le compte rendu de ce conseil municipal est en 4 parties :
1. Réunification de la droite : effets en cascade
2. Associations, ADL, Culture et végétaux
3. La « nouvelle-nouvelle-majorité » sombre dans la nuit
4. Débat escamoté sur la tranquillité publique
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