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Lundi 15, 15 heures – 18 h 30

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13 mai 2017
Alain Lipietz

Portes ouvertes à la centrale de géothermie : questions et réponses

21 ter rue Jean-Baptiste Baudin, Villejuif

En fait notre géothermie est "branchée au réseau" depuis novembre, mais il restait à peaufiner l’usine, avec sa pompe à chaleur industrielle, son local annexe ouvert au public et son jardin-école.

C’est quoi la géothermie ?

On vous l’a déjà raconté. En gros : il existe, sous une partie de la région parisienne, 2000 m sous terre, un réservoir d’eau, le « Dogger », coincé dans une couche géologique, le « bathonien », datant du temps des dinosaures (le « jurassique »). Ce n’est pas un lac souterrain, mais une sorte d’éponge de craie humide. Ce réservoir est chauffé par la chaleur venue du centre de la terre : c’est de l’énergie gratuite. Mais ça a couté pas mal d’investissements pour la récupérer !

Il y avait déjà deux centrales, à l’Haÿ-les-Roses et Chevilly-la-Rue. La nouvelle centrale de Villejuif fait partie du même réseau, propriété du Syndicat Intercommunal pour la Géothermie (Sygeo) et géré par un service public local, la Semhach. Tout est donc public (je suis vice-président de l’un et l’autre). Ce qui a, entre autres, l’intérêt de ne pas facturer de profit au dela de ce qui autofinance le développement du réseau (et en cas d’excédent, il est retourné au budget des villes, actionnaires. Pour Villejuif, cette année : 40 000 euros).

Il a fallu d’abord creuser deux puits, un pour monter l’eau géothermale, un pour la réinjecter dans le bathonien, car il est hors de question d’utiliser cette eau venue du fond des âges. Ces puits sont courbés : tous deux partis de l’usine rue Jean-Baptiste Baudin, l’un va chercher l’eau sous le quartier Éluard, l’autre la réinjecte à deux kilomètres, sous Pasteur. En quelques années l’eau réinjectée percolera à travers la craie, et sera à nouveau pompée, mais elle aura eu le temps de se réchauffer dans les profondeurs.

Il faut la pomper, car cette eau est sous une pression artésienne insuffisante. La pompe est à 250 mètres sous terre, dans le puits d’extraction. Si elle tombe en panne (ce qui est arrivé récemment sur les autres puits de notre réseau de chaleur, à Chevilly-Larue et l’Hay les-Rose), ce n’est pas simple à réparer ! Puis il faut à nouveau pomper, bien plus fort, pour la réinjecter dans la craie, qui résiste (et ça nous a donné des sueurs froides !) Je vous raconte tout ça, pas pour décourager les villes qui voudraient s’y mettre, mais pour rappeler que cette industrie n’est pas de tout repos…

Dans l’usine de la rue Jean-Baptiste Baudin, cette eau géothermale ne fait donc que passer : elle échange sa chaleur à travers des « échangeurs », d’énormes radiateurs, avec l’eau du « réseau de chauffage urbain ». Ce réseau est une sorte d’immense système de chauffage central qui, à terme, va alimenter les robinets d’eau chaude et les radiateurs de tous les édifices publics (hôpitaux compris) et de tous les immeubles collectifs de Villejuif, à l’ouest de la Nationale 7 (à l’exception des Lozaits, déjà alimentés grâce au puits de Chevilly).

Ça fait du monde ! Du coup, l’eau du réseau de chaleur urbain n’est pas assez réchauffée par son contact avec l’eau géothermale (70°). On la réchauffe encore un peu dans l’usine, jusqu’à 80 ou 100 degré quand il fait froid, et on la réchauffera encore en cours de route sur le réseau, avec quelques chaudières-relais, à gaz (il y en a une place Mermoz : on ne la remarque pas !)

Après avoir parcouru la moitié de Villejuif, l’eau du réseau de chaleur revient à l’usine pour se réchauffer au contact de l’eau géothermale. Elle est encore un peu chaude (40°). On va en profiter, grâce à une « pompe à chaleur » industrielle, également dans l’usine rue Jean-Baptiste Baudin.

Qu’est-ce qu’une pompe à chaleur ?

Nous savons tous que, lorsqu’on met en contact deux masses de matière, l’une plus chaude que l’autre, la chaleur « coule » spontanément du chaud vers le froid : l’une se refroidit, l’autre se réchauffe jusqu’à égalité des températures. C’est bien ainsi que l’eau géothermale réchauffe l’eau du réseau de chaleur dans l’usine : il suffit de les mettre en contact assez longtemps, et c’est à ça que servent les gros « échangeurs » dont j’ai parlé.

Mais j’ai dit aussi que ça ne suffisait pas : l’eau du réseau de chaleur ne partirait pas assez chaude vers Villejuif-ouest, du moins en hiver. Donc on la réchauffe encore un peu. Comment ? À Chevilly et l’Haÿ, avec une turbine à gaz. A Villejuif, on va utiliser (et c’est une première !) un truc plus astucieux et écologique : une pompe à chaleur.

Car vous le savez aussi : s’il est vrai que la chaleur « coule » spontanément du chaud vers le froid, on peu la faire « remonter » du froid vers le chaud, avec un moteur électrique. C’est la principe du réfrigérateur. Bien que l’intérieur du frigo soit déjà plus froid que votre cuisine, on peut, moyennant une dépense d’électricité, puiser de la chaleur à l’intérieur du frigo pour l’éjecter dans la cuisine. Même chose entre le logement et l’extérieur, avec les climatiseurs. On peut faire fonctionner les climatiseurs à l’envers, c’est-à-dire pomper ce qui reste de chaleur en plein air (même en hiver) pour réchauffer le logement, qui est pourtant plus chaud. On parle alors de « pompe à chaleur ».

Eh bien, on fait pareil avec l’eau du réseau encore tiède (40° quand même) qui vient de faire le tour de Villejuif et revient rue Jean-Baptiste Baudin. Avant qu’elle n’aille se réchauffer au contact de l’eau géothermique, on en pompe une partie de la chaleur qui lui reste, jusqu’à la refroidir à 25°. Et cette chaleur, on la réinjecte dans le circuit , juste après le passage dans l’échangeur, alors que l’eau du réseau a déjà été portée à 70° par le contact avec l’eau géothermale, et on arrive à 85°.

À la belle saison (de mai à octobre) ce n’est pas la peine. L’eau chaude ne sert qu’aux robinets. À la saisons froide, il faut faire marcher la pompe à chaleur, et il arrive qu’au cœur de l’hiver ce soit ENCORE insuffisant (environ 40 jours en janvier –février). Il faut encore pousser la température de départ, de 85° à 100°. C’est pourquoi il y a en plus 3 chaudières à gaz dans l’usine rue Jean-Baptiste Baudin.

Bref : notre réseau de géothermie L’Haÿ-Chevilly-Villejuif ne marche pas qu’à la géothermie. Il consomme aussi de l’électricité (pour les pompes) et du gaz (pour les chaudières-relais). L’usine de Villejuif est d’ailleurs divisée en trois compartiments : la partie géothermale, qui fonctionne toute l’année, la partie « pompe à chaleur », qui fonctionne six mois, la partie chaudière à gaz, qui fonctionne 40 jours.

Mais l’eau chaude de la géothermie est gratuite. Du coup un réseau comme le notre nous chauffe 20% ou 30% moins cher qu’un réseau de chauffage urbain ordinaire, amlimenté au gaz, au mazout ou aux ordures ménagères. On s’en est aperçu quand les puits de l’Haÿ et de Chevilly ont du être arrêtés pour être rénovés, alors que les puits de Villejuif n’étaient pas encore branchés : le réseau n’a plus fonctionné qu’au gaz, et la facture pour les usagers a grimpé ! En 2017, la facture va redescendre et si tout se passe bien elle descendra de plus en plus, au fur et à mesure de l’amortissement des travaux.

Mais la géothermie, ce n’est pas seulement des économies pour les usagers… Mise à part l’électricité (nucléaire) et de gaz (producteur d’effet de serre) qu’elle utilise, elle est totalement propre. C’est, avec le Plan vélo (en panne depuis que nous ne sommes plus dans l’exécutif municipal), la principale contribution de Villejuif aux objectifs de la COP 21 pour la défense du climat.

L’inauguration

L’usine fonctionne pour l’essentiel depuis novembre, et la pompe depuis janvier. On a déjà fait une journée portes ouvertes pendant les travaux (voir ici les photos !).

Tout n’est pas encore parfait : des logements voisins, on entend parfois les pompes (probablement lors des réglages). Mais grâce à la vigilance de notre élue, Anne-Lise Boyer, riveraine immédiate de l’usine, on compte bien que tout sera fait pour qu’on n’entende plus rien.

Aujourd’hui l’usine est finie, ainsi que le local annexe qui sera aussi une salle de quartier. L’herbe du jardin commence à pousser.

Questions-réponses

Nous répondrons au fur et à mesure, ici, à toutes les questions que vous vous posez.

Pourquoi y a-t-il des cheminées sur l’usine de Villejuif ?

Pour les trois chaudières à gaz qu’elle contient, et qui normalement ne sont mises en service que par grand froid. Mais en cas de panne, entretien ou réparation, le gaz peut remplacer la géothermie : lors du « rechemisage » des deux autres bi-puits, alors que l’usine de Villejuif n’était pas encore branchée, le réseau a fonctionné intégralement au gaz, grâce aux chaudières d’appoint.

Le réseau autour de Villejuif n’est donc pas isolé ?

Non, il est connecté à celui de l’Haÿ et Chevilly. Ni en série, ni en parallèle : un système automatique optimise en permanence par où passe l’eau qui sort de telle ou telle usine, et où elle retourna se réchauffer.

Exemple : lors de cette journée portes-ouvertes, l’usine de Villejuif était à l’arrêt, et le réseau fonctionnait sur les centrales de L’Haÿ et de Chevilly.

Quel est le bilan énergétique de cette « géothermie » qui consomme aussi de l’énergie sous forme de gaz et d’électricité ?

Pour ce qui est du gaz, nous avons vu que c’est un appoint qui ne fonctionne que l’hiver et en cas de panne. Cette part de l’énergie consommée sous forme de combustion du gaz se retrouve directement dans la chaleur de l’eau du circuit, comme pour un réseau de chaleur ordinaire.

L’électricité intervient de trois manières.

1. Comme sur n’importe quel système de chauffage central (même au charbon), pour faire fonctionner les pompes que font circuler l’eau du réseau de surface. Rien à en dire de spécial.

2. En régime de base, été comme hiver : pour faire marcher les pompes d’extraction et de réinjection de l’eau géothermale. Pour chaque kilowattheure consommé sous forme électrique, la géothermie fournit 20 fois plus d’énergie sous forme chaleur.

3. La pompe à chaleur, qui ne marche qu’à la saison froide, pour transférer 15° de l’eau qui revient à l’usine, vers l’eau qui repart dans le réseau de surface. Là, pour 1 kwh consommé, on obtient 4 fois plus d’énergie-chaleur utile.

Peut-on dire que la géothermie est une énergie renouvelable ?

Oui, en ce sens qu’elle tire son énergie du centre de la Terre. Celle-ci a plusieurs origines, dont la plus importante est la radioactivité naturelle, qui ne s’éteindra pas avant des milliards d’années.

Mais cette source est limitée : le Dogger ne couvre même pas toute la superficie de la métropole parisienne. Son eau se réchauffera éternellement (à l’échelle de l’espèce humaine) mais il ne peut offrir chaque année qu’une quantité limitée d’eau chaude géothermale. C’est comme une forêt !

Un organisme central, le BRGM, alloue donc l’accès au Dogger de façon limitée aux différents systèmes locaux de géothermie. Nous avons été en amicale friction avec un autre réseau qui prétendait creuser un puits trop près des nôtres.

Et si on pompe trop vite, l’eau géothermale n’a plus le temps de se réchauffer sous terre. Sur les 32 premières années de notre réseau, l’eau du Dogger a déjà perdu 1 à 2°. Pas grave : on peut faire fonctionner un réseau de chaleur même à 60 degrés (donc dans 900 ans…) Et on pense que l’essentiel du progrès à venir viendra de la sobriété (s’habituer à garder son pull chez soi en hiver…) et de l’efficacité énergétique du chauffage des bâtiments : leur isolation. Dans un siècle, on pompera moins.

Enfin, si cette énergie est renouvelables, les installations pour la capter ne sont pas éternelles. Il a fallu « rechemiser » les tuyaux des puits de Chevilly et l’Haÿ au bout de 30 ans, c’est à dire recouvrir leur paroie, érodée par la corrosion, d’une couche de fibre de verre. Laquelle, espère-t-on, tiendra beaucoup plus longtemps.

Et quel est le bilan écologique ?

Haha ! ça dépend par rapport à quoi.

Nous avons donné le bilan de la partie électrique. Si tous les immeubles raccordés se chauffaient auparavant avec des chauffe-eaux ou des radiateurs électriques, la géothermie permettrait de diminuer la consommation électrique d’un facteur vingt ! Autant de risques nucléaires et de problème de stockage des déchets économisés.

Mais la plupart des vieux bâtiments se chauffaient au fuel ou au gaz, produisant de l’effet de serre. Le résultat global est le suivant : notre réseau, qui fonctionne quand même partiellement au gaz (en fait pour 50% en 2015-2016) , émet 92 grammes de CO2 par kwh de chaleur fourni à l’usager, soit moins de la moitié d’un réseau qui fonctionnerait purement au gaz. Et c’est aussi la moitié de la moyenne des réseaux de chaleur français (qui fonctionnent au charbon, au fioul, au gaz , à l’incinération d’ordures ménagères…) L’apparition de la centrale de Villejuif, en augmentant la part « géothermie » du réseau Semhach (jusque vers 70-75 %), va évidemment améliorer ce résultat.

Et le bilan économique ?

Normalement, il faut toujours commencer par faire des économies d’énergie avant de se poser la question de passer aux énergies renouvelables. Mais voilà : il est plus facile de décider de créer un réseau de chaleur géothermique (à 2, puis 3 municipalités, les communistes de Villejuif ayant mis 30 ans à se décider) que de convaincre des dizaines de milliers de copropriétaires et des dizaines d’organismes HLM d’isoler leur logement. Il faut donc distinguer le neuf et l’ancien.

Dans le neuf, ce sont l’Union européenne et l’Etat national qui dictent des normes de plus en plus sévères pour les bâtiments dits « à basse consommation » (BBC).

Dans les immeubles anciens, c’est plus compliqué. Des copropriétaires ou des HLM peuvent être tentés de se brancher à la géothermie avant de faire des travaux d’isolation, c’est idiot mais c’est leur droit, car le branchement n’est pas très cher (50000 euros quand même, ce qui élimine les pavillons), et cela diminue facilement leurs charges de chauffage et d’au chaude sanitaire (de 20 à 30 %, on l’a dit). La Semhach a cependant une politique incitative, que voici.

La facture est en effet comme pour l’électricité : un abonnement fixe, qui dépend de la puissance de pointe exigée par l’immeuble (combien on veut d’eau chaude la pire journée de l’hiver), et une partie variable selon la consommation effective. (La partie fixe intègre l’amortissement du coût du branchement, sur 15 ans.) Si les propriétaires de l’immeuble décident ensuite de faire des travaux d’isolation, ils peuvent immédiatement renégocier leur contrat avec la Semhach : l’abonnement sera moins cher (puisque que la puissance de pointe sera par exemple 40% plus basse). Et bien sûr la consommation plus faible.

(Sur la « loi » de la facture Semhach, voir ici, où l’on discute aussi de cette expérience en vraie grandeur qu’a été l’été 2015-hiver 2016, avec le retour complet au gaz imposé par les travaux).

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