Accueil > Actualités > Bourse du travail : le maire s’embourbe (1 : sa réponse aux élus)
Le maire répond à la lettre commune de toutes les oppositions municipales par un tissu d’erreurs, omissions et mensonges.
Après avoir mis la ville en émoi par son coup de force du 28 juillet contre la Bourse du travail, le maire tente de se justifier par un tract distribué à toute la population et par une réponse à la lettre des conseillers municipaux. Nous répondrons à son tract dans l’article suivant car le plus urgent est d’examiner sa réponse aux conseillers municipaux. La voici, cliquez :
Très sérieux, n’est-il pas ?
Eh bien non. Tissu d’inepties et de mensonges. Ce qu’on appelle un "faux commis par personne dépositaire d’autorité publique". Cela va chercher dans les 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende (article 441-2 du Code pénal).
Si, Monsieur le Bohellec ! Les syndicats occupent la Bourse du travail, 16, rue Jean Jaurès, depuis des décennies, de par une convention votée par le conseil municipal de Villejuif.
Si, Monsieur le Bohellec, un conseil municipal peut parfaitement voter un droit d’occupation à titre gratuit.
Non, Monsieur le Bohellec, c’est au conseil municipal, s’il le décide, et pas à vous, qu’il reviendrait de modifier ce loyer et ces charges.
Si, Monsieur le Bohellec, les conseillers municipaux peuvent parfaitement exiger que ce point soit mis à l’ordre du jour du prochain conseil municipal.
Non, Monsieur le Bohellec, vous n’aviez pas le droit de décider de vendre ce bien du domaine public de la Ville : cela ne relève que du conseil municipal.
Être maire, Monsieur le Bohellec, ne fait pas de vous le propriétaire des biens de la ville. Vous pouvez réglementer leur utilisation, mais ce sont les élus, en conseil municipal, qui en disposent. Vous n’êtes que « l’exécutif » : ce n’est tout simplement pas de votre compétence. Cordonnier, pas plus haut que la sandale !
Et si vous expulsez les syndicats sans les reloger, vous devrez les indemniser pour le local qu’ils auront perdu.
Pour en savoir plus, voyons ça en détail.
Notre lettre était signée par tous les élus d’opposition dont les présidents de 6 groupes municipaux, L’avenir à Villejuif/EELV, La France insoumise, PCF, PS, MRC et divers gauche, En Marche, et JF Harel (tête de liste UDI lors d l’élection de 2014), ce qui doit être un cas de révolte générale unique en France ! La voilà :
« Nous avons appris cet été que vous aviez déposé et obtenu auprès du Tribunal administratif un référé, afin de vendre le 16 rue Jean Jaurès pour financer, selon vous, l’école des Réservoirs. [Or :]
1. Vous vous étiez engagé dans votre communiqué du 4 février 2015 : « La bourse du travail , 16 rue Jean-Jaurès ne sera pas fermée. ».
2. Les syndicats occupent ce Bâtiment en fonction d’une convention avec la ville de 1963 amendée en conseil municipal en 1983. Elle est toujours valable, sauf vote contraire du Conseil municipal.
3. Nous n’avons jamais, en conseil municipal, décidé d’aliéner ce bien. Or cela relève exclusivement de la compétence du conseil municipal, et il serait illégal de prétendre légaliser a posteriori cette décision que vous présentez, au TA, comme acquise (C.E., 10 mars 1995, commune de Digne).
En conséquence de ces anomalies concernant directement la gestion communale :
Conformément à l’article 5 du Règlement intérieur, nous sommes aujourd’hui 21 élus à vous demander d’inscrire un débat à l’ordre du jour du prochain conseil municipal.
Conformément à la loi, L’article L2121-21-1 du code général des collectivités territoriales, nous prenons l’initiative d’une commission d’enquête municipale et nous vous prions d’organiser la participation de votre majorité à cette commission. "
Remarquons d’abord que Franck le Bohellec écrit systématiquement « la Ville » pour parler de lui. Or, nous le verrons, s’il a certes été désigné comme maire par une majorité de conseillers municipaux le 5 avril 2014 (il a rompu depuis avec ses trois autres alliés de l’Union citoyenne) , et si le conseil lui a délégué ce jour là certains pouvoirs, dans presque tout ce qui suit il parle de responsabilités qui n’incombent pas au maire, mais au conseil municipal.
1. Sur le premier point, son engagement public du 4 février 2015 de maintenir la Bourse du travail au 16 rue Jean-Jaurès, qui mérite d’être relu attentivement), le maire ne répond rien. Ce mépris de sa propre parole suffirait à « laisser tomber », mais poursuivons.
2. Sur le second point, le droit d’occupation du local par les syndicats, Franck le Bohellec ment avec impudence en prétendant que les syndicats occupent ce local sans droit ni titre. Nous disposons comme lui de la convention de 1963, voté par le conseil municipal, et d’un avenant de 1986, reproduits dans l’article suivant. S’il dispose d’un vote du conseil municipal ayant aboli ces dispositions, qu’il nous le montre !
Le maire reconnaît d’ailleurs qu’un tel vote abolissant la convention de 1963 n’a jamais eu lieu puisqu’il détaille les soi-disant négociations auxquelles il aurait procédées avec les syndicats en vue d’une nouvelle convention. Il se vante d’une lettre de la Mme la Sous-préfète de l’Haÿ-les-Roses qui lui confirme « le bien-fondé d’un dispositif conventionnel ». Gros malin ! C’est tout simplement la loi, et ce qui se pratique depuis 1963.
La proposition du maire consistait simplement, semble-t-il selon sa réponse, à faire payer quelque chose aux syndicats pour l’occupation des lieux, pour l’électricité et pour le chauffage. On peut toujours en discuter. Mais la raison donnée par le le maire au Tribubal administratif (TA) pour expulser les syndicats n’est pas du tout celle –là ! Il voulait, en réalité, VENDRE la Bourse du travail.
Selon le maire, la convention en vigueur, qui met la Bourse du travail à la disposition des syndicats gratuitement, ne serait pas conforme à « un principe général du droit bien établi : les personnes publiques ne peuvent accorder de libéralité. » Ouh là là mon Dieu ! "Un principe général du droit bien établi" ! Et les églises alors ? Elles appartiennent à la commune et sont mises gratuitement à la disposition des fidèles (loi de 1905).
Et dans notre « République sociale » (article 1 de la Constitution), il est justement précisé que la commune peut mettre GRATUITEMENT des locaux à disposition des syndicats. Et en fait, de toute association. Les seules conditions sont : la non-discrimination, le caractère non-lucratif de ces associations, et leur vocation d’intérêt général, ce qui est le cas des syndicats (mais il faut traiter tous ls syndicats sur un pied d’égalité). C’est l’article L 2125-1 du... Code général de la Propriété des Personnes Publiques (oui, oui, ce code qui fixe les "principes généraux et bien établis du droit des personnes publiques") : « L’autorisation d’occupation ou d’utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général. »
F. le Bohellec donne ensuite une description de ces négociations que les syndicats démentent formellement. Mais en tout état de cause, pour rompre la négociation, la moindre des choses aurait été d’en parler en Comité Technique et en Conseil municipal. Pas un 28 juillet. Et en tout état de cause, si le maire souhaitait que soient modifiées les contreparties financières de la convention en vigueur (celle de 1963-83), la décision ne relevait strictement que du conseil municipal, et il fallait en débattre au moment du vote du budget. (Nous allons y revenir.)
3. S’agissant de la vente du 16 rue Jean Jaurès, le maire ne répond pas, alors que c’était la raison (mensongère) présentée au Tribunal administratif pour justifier l’expulsion des syndicats. La loi est formelle : la décision de vendre ne peut être le fait que du conseil municipal. Mais F. le Bohellec s’enfonce en affirmant que le 16 rue Jean Jaurès fait partie du « domaine public de la commune ». Si c’est vrai (?), ce bien est inaliénable. Il faudrait pour le vendre le déclasser préalablement vers le domaine privé de la commune. Et là aussi on doit passer par le conseil municipal.
4. Sur l’inscription de la question à l’ordre du jour du jour du prochain conseil municipal, il répond que ce ne pourrait l’être que dans un conseil « extraordinaire », en vertu de l’article L. 2121-9 du CGCT, et selon un ordre du jour « de sa seule responsabilité. »
Ben non, désolé. L’article 2121-9 nous permettait de faire convoquer un conseil extraordinaire en effet, mais nous demandions simplement, dans notre lettre du 8 septembre, de l’inscrire simplement au « prochain » conseil municipal (c’était celui du 18 septembre, qui a sombré dans le délire). Nous avions pourtant mis sous le nez du maire l’article du Réglement intérieur, le n°5 : la conférence des présidents des groupes municipaux amende l’ordre du jour proposé par le maire. Or les signataires de notre lettre représentent une large majorité de la conférence des présidents de groupe.
5. Sur la commission d’enquête municipale, pour laquelle nous lui demandions de désigner les représentants de sa tendance (car la loi prévoit que cette "mission d’évaluation", initiée par un sixième des conseillers municipaux, doit être désignée à la proportionnelle), il ne répond rien.
Il a une excuse, cette fois : nous avons commis une faute de frappe. Il s’agit, le lecteur l’aura corrigé de lui-même :-), de l’article L2121-22-1 du Code général des collectivités territoriales, et pas de l’article L2121-21-1 !
À plusieurs reprises, le maire , mal conseillé par son service juridique (ou trop bien conseillé par un ou une juriste facétieuse ?) cite l’article L.1311-18 du CGCT. Selon lui, cet article tranche : en matière de mise d’un local à disposition des syndicats , ça ne regarde que le maire et pas le conseil municipal.
Tiens. Ben lisons-le, cet article !
Le maire s’en tient aux deux premiers alinea :
« Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent mettre des locaux à la disposition des organisations syndicales, lorsque ces dernières en font la demande.
Le maire, le président du conseil départemental (etc) détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l’administration des propriétés de la collectivité ou de l’établissement, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public. »
Mais lisons le 3e et 4e alinea :
« Le conseil municipal, le conseil départemental, (etc), fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation.
La mise à disposition mentionnée au premier alinéa peut faire l’objet d’une convention entre la collectivité ou l’établissement et l’organisation syndicale. »
C’est donc clair : le « législatif », c’est à dire le conseil municipal, décide si la mise à disposition du local est gratuite ou si les syndicats doivent payer quelque chose, et combien. L’exécutif (le maire) décide des "conditions d’utilisation" en fonction des besoins du service et de l’ordre public (heures d’ouverture et de fermeture, etc, comme il le fait pour un parc public). Cordonnier, pas plus haut que la sandale !
Si donc le maire souhaitait rendre payante l’utilisation de la Bourse du travail, il devait passer par un vote en conseil municipal. Mais en fait il voulait VENDRE la Bourse du travail. Et là on rentre dan le cas du dernier paragraphe :
« Lorsque des locaux ont été mis à la disposition d’une organisation syndicale pendant une durée d’au moins cinq ans, la décision de la collectivité ou de l’établissement de lui en retirer le bénéfice sans lui proposer un autre local lui permettant de continuer à assurer ses missions lui ouvre le droit à une indemnité spécifique, sauf stipulation contraire de la convention prévue à l’avant-dernier alinéa. »
Donc, si le maire souhaite expulser les syndicat d’un local qu’ils occupent très légalement depuis 54 ans, ou bien il les reloge, ou bien il leur paie une compensation pour s’en retrouver un équivalent, à moins que la convention en vigueur (celle de 1963) n’ait prévu l’inverse.
Bigre ! Le maire a intérêt à la retrouver, cette convention de 1963 !
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