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28 janvier 2017
Alain Lipietz

Incinérateur d’Ivry : la droite remise au pas

Mercredi 28, la droite n’a pas pris part au vote au Conseil municipal d’Ivry, permettant au PCF d’imposer l’incinérateur malgré l’opposition de EELV, du PS, et du Parti de Gauche. Le vote du lendemain au SYCTOM n’a plus été qu’une formalité, malgré un intéressant débat.

Je ne reviens pas sur les multiples arguments contre l’incinérateur d’Ivry, un de ces grands projets inutiles, coûteux et dangereux pour le climat. En décembre, une coalition EELV-PS rejoint par la droite avait rejeté ce projet au Conseil municipal d’Ivry, mettant dans l’embarras le maire PCF, Ph. Buyssou. Le Syctom (syndicat intercommunal maitre d’ouvrage du projet) lui avait laissé un mois pour renverser la vapeur. C’est fait mercredi : grâce au ralliement morose de la droite qui se contente de ne pas prendre part au vote. Par 21 pour, 18 contre et 6 NPPV ( 3 voix d’avance !), l’incinérateur est accepté.

Au conseil du Syctom

Le lendemain 29, au Conseil du Syctom, dont les conseillers PS, PCF et droite sont depuis longtemps acquis au projet que leur vendent leurs techniciens, ce ne doit être qu’une formalité.

J’y siège comme suppléant de Jorge Carvalho (droite villejuifoise), mais désormais au titre du Grand Orly-Seine et Bièvre. Jorge est là, je n’ai pas de droit de vote, et je vais m’asseoir auprès de vieux amis, Anne Souyris et Christophe Girard, élus parisiens.

Philippe Buyssou se félicite d’abord du renversement des votes à Ivry. Selon lui, seuls les Verts avaient le droit de voter contre, c’est leur credo, les autres opposants ne faisaient que de la politique politicienne (la population étant évidemment contre).

Anne Souyris, EELV de Paris, ainsi investie de la seule légitimité des « contre », fait un exposé synthétique de nos arguments, et appelle à ce qu’un moins on fasse une évaluation du contre-plan B’OM fondé sur la démarche zéro-déchet. Elle rappelle que l’application de ce plan ne ferait que ramener l’Ile de France au niveau de Lyon ou de Nantes.

Elle est écoutée dans un silence religieux et applaudie à la fin. Suit la litanie des partis « pour », suivis d’une oreille distraite.

Pour le PS intervient Mao Peninou, parisien et macronien. Il sort les arguments les plus éculés tels que « La priorité, c’est l’élimination de tous les enfouissements ». Argument planplan : toute incinération se termine par l’enfouissement des déchets ultimes, mâchefers, poussières, métaux lourds, etc. et ne saurait se substituer à une orientation zéro-déchet. Il le sait, sait que tous dans la salle le savent (ce sont des spécialises de ce débat), et savent qu’il le sait. A quoi bon ?

Dans la série « arguments spécieux », quelques perles dans la bouche du président du Syctom, H. Marseille (droite) :

-  « Vous citez l’opposition de la grande association qu’est France-Nature-Environnement. Je vous en citerai une autre qui est pour : la Cour des Comptes. »
La Cour des Comptes n’est pas une association, c’est un corps de fonctionnaires qui « comptent les sous » et dont le rôle n’est pas la mise en œuvre politique de la résolution de la conférence de Paris sur le climat (COP 21).

-  « Quand l’usine d’Issy s’est mise en grève, il a fallu enfouir, et ça nous a couté 5 millions de francs. Nous avons donc besoin de l’usine d’Ivry [2 milliards]. ». Et si l’usine d’Ivry se met un jour en grève ?

Quelques voix discordantes pourtant. La plus émouvante est celle de la maire de Romainville, Corinne Valls (ex-PCF, Gauche citoyenne) : « Je vais voter Pour, mais franchement je m’interroge. »

Plus étonnant : le maire de St Ouen, W. Delannoy (UDO), qui « héberge » un autre des grands incinérateurs : « Vous, les écologistes, vous avez entièrement raison, mais ce n’est pas encore le moment. » J’aurai le décodage quelques minutes plus tard.

Votes comme attendu : seuls les EELV votent contre.

Le dessous des cartes

À la fin de la séance, je rejoins les élus du sud et de l’est parisiens et les quelques ivryens du public, de l’autre coté de la salle, qui, toutes tendances confondues, me souhaitent la bonne année avec chaleur. Est-ce ce qui provoque la colère de Jorge Carvalho ? « Quand je suis là, me dit-il sévèrement, tu ne dois te mettre dans les rangs des élus, tu dois être dans le public. Par ta présence tu influences les votes ! »

Trop d’honneurs… Mais les copains ivryens me décryptent : « Hier à Ivry, avant le début du conseil municipal, la droite était chambrée par un type de droite, un gars qui venait de Villejuif avec un accent brésilien. Ils ont acceptés, pas contents, de ne pas prendre part au vote, ça suffisait pour faire passer l’incinérateur. » Quel orateur convainquant, ce Jorge !

Pareillement, pour W. Delannoy, on m’explique : « Dans quelques années, il faudra aussi reconstruire l’incinérateur de Saint-Ouen. A ce moment là, il espère que l’usine d’Ivry sera reconstruite et sera déjà en surcapacité. Il pourra alors dire que ce n’est plus la peine de reconstruire celle de Saint-Ouen, et son électorat sera content ! »

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