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Le maire sortant a raté son pari, la liste Villejuif Écologie arrive en 3e position, la liste (principalement communiste) de P. Garzon devra rallier les cœurs d’un électorat potentiellement majoritaire.
Le résultat de la liste écologiste et citoyenne est une grosse déception. Nous avons souffert d’une abstention plus forte face au danger réel et sous-estimé du coronavirus, d’un manque de crédibilité comme « pôle de rassemblement » à gauche, et de perpétuelles attaques sur « 2014 » qui se retournent finalement contre les forces de la gauche traditionnelle. Voir ici les résultats totaux, et là par bureau de vote.
Avec moins de 43 %, la liste du maire sortant retrouve à peu près la somme des deux listes de droite et de la liste FN en 2014, sans aucune réserve pour le second tour. F. Le Bohellec annonçait qu’il passerait dès le premier tour, et en effet c’était sa seule stratégie possible. Il croyait pourtant avoir bien joué en décourageant la présentation d’une liste lepeniste pourtant annoncée, au prix sans doute d’une éviction de ses « centristes » (UDI, Nouveau Siècle et les quelques Modem et En Marche qui lui étaient restés fidèles). Ces évincés n’ont pas pu, s’y prenant trop tard, présenter de liste. Du coup la liste Le Bohellec apparaît « droite de la droite » avec une idéologie bonapartiste. Même JF Harel (ex-tête de file UDI) a appelé à voter communiste !
Il avait également réussi à construire un embryon de système clientéliste « à la Corbeil - Essonne » dans les quartiers sud, où le ballet des rabatteurs du PCF et du maire était impressionnant autour du bureau de vote n°15, à Lamartine, et des bureaux de l’école Paul Langevin, à Mermoz. Il y dépasse un peu le score FN (80 voix). Mais c’est surtout sa clientèle de personnes âgées qu’il a réussi à mobiliser, et dès 8 heures du matin, emmenés en voiture toute la journée malgré le coronavirus.
Le tragi-comique est que la construction de cette clientèle âgée est surtout le fait du Dr E. Obadia (UDI), personne avec qui nos rapports furent rapidement électriques. Mais il faut reconnaître qu’il a fait son boulot d’adjoint, à la santé comme auprès des personnes âgées, qu’il a averti de l’inconscience d’organiser le « Boxing Show » malgré le démarrage de l’épidémie. E. Obadia apparaît encore sur les photos lors du lancement de la campagne du maire, en janvier : depuis, épuré !
F. Le Bohellec a utilisé à fond l’argent de la ville pour être omniprésent dans le bulletin municipal, sur les palissades de chantier, dans de multiples « consultations de riverains », au risque, selon le tribunal administratif, de faire annuler l’élection. Il faisait effacer systématiquement toute apparition d’autres listes dans les rues, saturant l’espace selon le modèle du « blast » de Sarkozy (qui n’avait pas non plus marché…)
Ça n’a pas suffi. Il est battu, du moins sur le papier. Même en comptant sur le ralliement d’une partie de l’électorat La République en Marche de la liste Léonor Brucker. Nous avons dit et redit la sympathie que nous inspirait les militantes de cette liste. Leur situation est désormais tragique. Tombée de 21 % aux européennes à 5% à peine (les retraites, les hôpitaux…), leur liste ne peut ni ne veut fusionner avec personne : ni le maire sortant, déjà plusieurs fois condamné par la justice et sous le coup de plusieurs enquêtes policières, dont elles connaissent parfaitement les turpitudes, ni le PCF pour des raisons psychologiques et politiques évidentes. Pourtant son électorat est, à Villejuif contrairement au reste de la France, assez proche de celui de EÉLV et du PS.
LaREM disparait donc du second tour. Mais le groupe LaRem Villejuif ne se trompe-il pas de parti national ? La députée qu’elles ont fait élire, Albane Gaillot, l’a déjà compris et a quitté La Rem. Nous appelons ses électrices et électeurs à voter pour la liste de rassemblement des écologistes et des gauches… même si ç’aurait été plus facile autour de Natalie Gandais !
Le PCF allié à Génération.s a brillamment gagné son pari : être en tête des oppositions. Il s’y est préparé depuis exactement un an, et la force de son appareil militant fut impressionnante. Du coup il s’est maintenu comme « opposant n°1 et alternance naturelle ». Mais la victoire est loin d’être acquise.
Sur le papier, les listes Garzon (PCF/Génration.s : 26,3%), Gandais (citoyens + écolos : 9,69%), Weber (PS + Objectif 2020 : 9,41 %), Arend (LFI : 4,87%) et Martin (LO : 1,47%) totalisent près de 52%. Confortable ? Sauf que le taux d’abstention record, et les incertitudes sur les reports, rendent cette addition fragile.
• EÉLV avait proposé dès juin 2019, au PS, à LFI, puis à Objectif 2020, une union de premier tour afin de se retrouver devant le PCF au soir du premier tour, sachant les réticences de la population à accepter de nouveau un maire PCF, diagnostique qu’ils partageaient. Refus, éclatement de la gauche et des écologistes sur 5 listes différentes quand deux auraient suffi pour « ratisser large ».
Le PS réalise, avec l’aide du collectif Objectif2020, une remontée de 2,7 % par rapport aux européennes de mai dernier. Nous n’avons toujours aucune information sur les raisons qui ont pu pousser Objectif 2020, qui était parvenu à un accord signé avec Villejuif Écologie et dont le programme était largement pris en compte par nous, à mettre finalement ces 2,7 % sur la liste du PS plutôt que sur celle de Villejuif Écologie. Le résultat est que la représentation (hors PCF) des quartiers populaires viendra presque exclusivement de la liste Villejuif-Écologie, même en cas de défaite.
En tout cas, alors que l’union des écologistes et des gauches était promise dès avant le premier tour, que le projet de communiqué annonçant ce rassemblement, décidé au soir du premier tour, était prêt dès le lundi midi, les amendements des uns et des autres intégrés en une heure et le texte signé aussitôt par les têtes de liste Garzon, Gandais et Arend, il a fallu attendre mercredi matin pour que Alain Weber annonce qu’il s’y joignait, après avoir disparu le lundi et le mardi. Heureusement que le second tour a été ajourné !
L’attitude de La France Insoumise fut encore plus incompréhensible, et elle le paie lourdement, reléguée à moins de 5% : sa candidate Élisabeth Arend, personne respectée, retrouve le même score que lors de sa candidature en tant que Parti de gauche aux cantonales de 2015, alors que son candidat aux législatives avait atteint le second tour en 2017 et frôlé la victoire sur Villejuif. Victoire qui lui fut refusée par la large abstention du PCF.
LFI aurait donc eu toutes les raisons de participer à l’alliance proposée par les écologistes, et recommandée par leurs leaders François Ruffin et JL Mélenchon (lequel se déclarait même redevable de cette conversion écologiste à mes écrits !) Nous avions été les seuls à soutenir leur candidat au second tour des législatives de 2017. Mais non : « il y avait des réticences dans leur base, ils verraient bien au soir du premier tour qui l’emporte, des écologistes ou des communistes. » Ben voilà, ils disparaissent au second tour et ne peuvent même pas fusionner... avec l’alliance des communistes et des écologistes !
Pas de langue de bois. Villejuif Écologie obtient en mars 2020 la moitié du score obtenu en mai dernier par les partis qui la soutenaient. Échec que l’on a senti venir les toutes dernières semaines, alors que la campagne avait très bien commencé en septembre. Cet échec tient à un empilement de raisons. Il y a bien sûr la faiblesse de nos forces militantes, notre quasi-inexistence sur les réseaux sociaux, etc. Mais le mal est plus profond.
a. Un électorat plus prudent face au coronavirus.
Être écologiste, c’est déjà être un peu épidémiologiste. Très conscient des risques de l’effondrement, l’électorat écologiste a senti très tôt que se rendre aux urnes était imprudent, et s’est le plus massivement abstenu d’y aller :
J’étais, comme aux européennes, président du bureau de vote n° 16, à l’école Georges Sand, l’un de nos meilleurs bureaux de mai dernier. Très vite j’ai observé un changement d’électorat spectaculaire. Alors que les personnes âgées, visiblement électrices du maire sortant et parfois du PCF, se pressaient pour voter dès 8 heures, je n’ai pas retrouvé cet afflux de jeunes gens de toutes les couleurs venus voter pour les européennes. Pratiquement pas de très jeunes, aucun de ces jeunes parents qui soulevaient alors leurs enfants pour glisser l’enveloppe dans l’urne.
Et ils ont eu bien raison. L’école Georges Sand était depuis le mardi 10 mars le premier foyer potentiellement contaminé par le coronavirus à Villejuif. Le maire l’a caché, n’a pas fermé l’école, mais les parents le savaient. Nous avons hier présenté nos excuses pour avoir appelé à se rendre aux urnes, et encore plus aux assesseurs que nous avions sollicités (au dernier moment nous avons retiré les plus fragiles). C’ÉTAIT IMPRUDENT, nous le comprenons mieux aujourd’hui. En fin de la semaine dernière, nous ignorions encore les aveux de Mme Buzyn et la gravité des prévisions que le Pt Macron n’a annoncées que lundi. Nous en remercions d’autant plus chaleureusement les électrices et électeurs qui sont quand même allés voter pour la liste Villejuif-Écologie.
Cette prudence des jeunes adultes, nous l’avons payée très cher. Bureau 16, le vote écologiste est tombé de 115 à 56 voix, mais il en est de même, voire pire, dans toute la zone nord où le vote Jadot était fort. Nous ne progressons que dans le quartier Saint Roch (bureau 5), sans doute particulièrement exaspéré par le bétonnage du maire sortant, et aux Lozaits Nord (bureau 30) grâce à l’implication personnelle de nos candidates, mais à partir d’un score dérisoire. Et même à Alexandre Dumas (bureau 9), où nous avions quelques candidats et candidates connus, nous n’atteignons pas le score de mai dernier.
Voyez ici la carte. Entouré : le n° du bureau, en gris : le score du 26 mai 2019, en vert : le score du 15 mars 2020.
Pour une carte plus nette, téléchargez :
b. Nous ne sommes pas apparus comme « l’alternative municipale »
Le coranavirus n’a nullement empêché la « vague verte » de triompher à Strasbourg, Lyon et sa communauté urbaine, Bordeaux et même Marseille derrière la très remarquable Michèle Rubirola, d’être au plus haut à Lille… Mais à Paris la chute est aussi spectaculaire qu’à Villejuif.
Nous l’avons pourtant constaté lors des négociations avec nos partenaires : personne comme notre équipe et en particulier Natalie Gandais ne connaissait aussi à fond tous les problèmes de Villejuif et souvent le dessous des cartes. Pourtant, les électrices et électeurs qui voulaient le départ de Le Bohellec ont pensé d’abord à « l’autre » force historique à Villejuif, le PCF.
Il y a une difficulté propre aux villes où nous sommes « sortants » au sein d’une gauche implantée. Ce fut le cas à Paris, ce fut le cas dans les villes voisines de la « banlieue rouge passée au vert » dans les scrutin nationaux ou européens, Gentilly, Ivry… « Pourquoi changer puisqu’ensemble PCF et Verts font du bon boulot ? ». Sauf que pas tant que ça : les écologistes avaient de vrais problèmes avec leur maire, comme l’incinérateur d’Ivry, l’extension de la Zone à Faibles Emissions... La transition s’est faite à Arcueil parce que c’est une partie de l’appareil communiste, dont le maire, qui est passée au Vert.
Le PCF et le PS s’écologisent, mais ils ont encore 20 ans de retard dans la conscience de l’ampleur des crises. Espérons que le coronavirus, expérience en vraie grandeur d’un effondrement, accélérera leur évolution. Les microparticules du diesel tuent chaque année à Villejuif une centaine de personnes, le coronavirus combien ? On a mesuré sur les premiers pays touchés que si on ne faisait rien, 60% de la population serait frappée dont 1% mourrait. Soit 360 morts à Villejuif, mais avec le confinement on espère beaucoup moins. Il faudra bien se résoudre un jour à se confiner du diesel…
Mais voilà : la question posée à Villejuif était celle du pouvoir avant même de savoir ce qu’on en ferait, et le PCF avait un appareil paraissant plus susceptible de battre le système Le Bohellec. Tout un trimestre passé à enquêter sur les désirs des habitants (arrêter les constructions, plus de vert, etc) n’aura servi à rien, électoralement parlant, car dans les dernières semaines la question s’est réduite à : qui peut nous débarrasser de F. le Bohellec ?
c. L’ombre de 2014
La campagne avait très bien commencé en septembre, on avait l’impression que dans la population comme dans le personnel municipal beaucoup attendait la victoire de notre liste et que Natalie Gandais soit maire. Et puis à partir de janvier on a vu fondre cette attente. Au porte à porte, on nous racontait ce que venait de leur dire les militants du PCF mais aussi parfois du PS et de LFI : « C’est la faute à Gandais si Le Bohellec martyrise la ville depuis 6 ans… D’ailleurs elle fera de nouveau l’alliance avec Le Bohellec… C’est une macroniste… » Et finalement il apparaît que ça a marché. Nous avons vu s’éloigner des personnes qui étaient ravies de travailler avec nous dans l’associatif depuis des années, et les militants PCF (et aussi certains PS ou LFI) se montraient de plus en plus agressifs à notre égard, y compris en public.
C’est sans doute pourquoi nous nous sommes retrouvés seuls à signer le texte proposé par le collectif Villejuif-Debout, appelant à l’union au second tour : les listes de la gauche traditionnelle ne pouvaient en même temps proclamer que Villejuif-Écologie fusionnerait avec la liste Le Bohellec ou la liste Brucker, et apparaître cosignataires, avec nous, d’un texte promettant l’union des écologistes et des gauches ! Le paradoxe, c’est qu’au sein de Villejuif-Debout figurent plusieurs ex-maires adjoint.e.s de l’équipe Cordillot, qui ont fini par se retrouver les plus proches de nous et tout près de nous soutenir. Paradoxe qui n’est qu’apparent : elles et eux ont pris le temps de réfléchir aux raisons de leur défaite de 2014…
On dira : « C’est de bonne guerre, le PCF, le PS et LFI voulaient rattraper le terrain perdu aux élections européennes. » Mais ce faisant ils ont rendu plus difficile l’union au second tour.
Et surtout, dans l’opinion publique, on en est toujours là : la population a rejeté le PCF il y a 6 ans, elle se sent trahie par Le Bohellec, mais les cicatrices du temps de P.Y. Cosnier ou de C. Cordillot demeurent. A quelque chose malheur est bon : le confinement et les trois mois de délais permettront peut-être de reconstruire la confiance mutuelle.
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