Accueil > Thémes > Solidarité > Roms, gens du voyage… comme dans les années 30 ?
Ne soyons pas faux-culs : l’arrivée de squatters Roms dans le voisinage, le stationnement de gens du voyage à proximité, agacent tout le monde. La vie est déjà dure, Villejuif trop dense : accueillir des nouveaux venus sans ressources n’enchante personne. Mais certains jettent de l’huile sur le feu alors que des solutions existent, sur la base d’une solidarité européenne et des valeurs humanistes.
C’est toujours ainsi en période de crise : au lieu d’affronter les problèmes de fond, certains politiciens se cherchent une popularité facile en désignant les plus pauvres comme boucs émissaires sur lesquels passer sa colère, son angoisse. C’était déjà le cas lors de la dernière très grande crise, dans les années 1930, avec les Juifs d’Europe de l’Est... et déjà avec les Roms.
Là-bas, les difficultés de la Pologne, des pays Baltes, de l’Allemagne, provoquaient ds flambées d’antisémitisme, les « pogroms ». Persécutés, les Juifs fuyaient vers l’Europe occidentale. Là, d’autres politiciens excitaient la colère contre ces miséreux arrivant en France avec une valise en carton bouillie, et se logeant comme ils pouvaient.
Cette hostilité favorisera les premières mesures anti-juives et anti-Roms du régime de Vichy. Mais les Français n’acceptèrent pas la rafle du Vel d’Hiv, même si la population ignorait l’assassinat industriel des Juifs et des Roms par les nazis (la Shoah et le Porajmos).
C’est ce qui est en train de se reproduire aujourd’hui avec les Roms, fuyant les discriminations en Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Moldavie. Ils sont moins d’une centaine au total à Villejuif, mais déjà certains parlent d’organiser une manif pour les faire déguerpir. On ne peut accepter de revoir chez nous des pogroms, des ratonnades. D’autres, notamment Emmaüs et la Fondation de l’Abbé Pierre, se mobilisent pour leur venir en aide.
Mais alors, quelles solutions ? Et d’abord, qui sont-ils ?
Les Roms sont un peuple ou plus probablement une caste d’artisans d’origine indienne déjà arrivés au bord de la Méditerranée à l’époque des Croisades. Les princes européens les découvrirent à cette occasion et, émerveillés par leurs capacités d’artisans, les invitèrent dans leur pays. Ce fut le cas en Pologne-Lituanie (comme pour les Juifs), Espagne (où on les appela Gitans), en Bohème (l’actuelle Tchéquie) d’où leur nom de « Bohémiens », dans les Balkans où on les appelait Tziganes, alors que dans leur propre langue ils s’appellent « peuple des Romani » : Romani- čel, d’où Romanichels.
En Europe occidentale, ils se sont largement assimilés et ont participé à la création culturelle (en particulier musicale), au point que le grand poète Federico Garcia Lorca saluaient en eux « la noblesse de l’Espagne ». Mais la plupart de leurs qualifications traditionnelles sont devenues « inutiles » dans la société industrielle. D’où la paupérisation de nombre d’entre eux.
En Europe de l’Est, les communistes leur imposèrent de se sédentariser mais les discriminèrent. Toujours persécutés malgré l’arrivée de la démocratie, certains émigrent aujourd’hui vers l’Ouest : environ 40 000 en France.
Ne pas les confondre avec « les gens du voyage ». La plupart de ceux-ci vivant en France sont Français de longe date. Contrairement aux Roms de Roumanie, ce sont des nomades Certains sont d’origine romani, mais il existe d’autres vieux peuples nomades européens, plus nombreux : manouches, yéniches…
La loi française fait obligation aux communes de plus de 5000 habitants, depuis longtemps, de réserver un terrain aménagé pour le passage des gens du voyage.
Les immigrants Roms sont comme tous les pauvres ayant un problème d’hébergement et d’insertion sociale. Ils ont tous les droits et devoirs de citoyens européens ordinaires, s’ils viennent d’un pays de l’Union européenne come la Roumanie ou la Bulgarie.
Pourtant ils furent longtemps privés, comme tous les Roumains et Bulgares, du droit de travailler en France, jusqu’au 1er janvier 2014, ce qui les a jusqu’à cette date condamnés à des activité marginales, voire illégales ou délictueuses. Ce n’est plus le cas.
La Constitution leur reconnaît, comme à tout les résidents, le droit au logement, ce qui, depuis l’Arrêt « Coty » du Conseil d’État, leur donne le droit de squatter les logements abandonnés jusqu’à ce qu’on leur propose un autre hébergement. Concrètement, on peut les empêcher pendant 48 heures de sqatter un terrain : c’est un problème d’ordre public. Mais au delà il faut que le propriétaire demande à la expulser, et les pouvoirs publics doivent trouver une solution d’hébergement, comme pour tous les SDF.
Qu’il s’agisse de gens du voyage ou de Roms cherchant à se sédentariser en France, les communes ont évidemment le devoir de scolariser leurs enfants, que les pouvoirs publics doivent aussi faire vacciner.
Et bien entendu, tous sont soumis à la loi française. Si tel ou tel commet un cambriolage ou vol de câbles de cuivre, il doit être poursuivi et jugé selon les lois et la procédure française. Mais ces actes ne doivent pas rejaillir sur leur communauté, pas plus que pour un Berrichon ou un Auvergnat !
Cet ensemble de droits et de devoirs a été synthétisé par la circulaire d’aout 2012.
Pendant des années, la municipalité précédente s’est refusée à assumer l’obligation de fournir une aire aux gens du voyage. En fait, nous nous sommes aperçu cet été, à notre grande surprise, qu’il y avait une sorte d’accord du Conseil général pour les laisser envahir périodiquement le parc des Hautes Bruyères, ce qui n’est pas une solution satisfaisante, d’autant que nous n’étions pas au courant et n’avions rien pu préparer !
L’État a fait corriger le PLU proposé par Mme Cordillot pour prévoir un terrain. Ce PLU étant mis en révision, les représentants de l’Union citoyenne au Bureau de la Communauté d’Agglomération du Val de Bièvre ont obtenu que celle-ci discute collectivement du problème, car les autres villes, qui n’ont pas de terrain non plus, pourraient être intéressées par une solution commune. Ce sera examiné prochainement.
S’agissant des Roms, il y a plusieurs petits squats et un plus grand. Mme Cordillot tantôt les faisait expulser, tantôt trouvait une solution. Désormais, dans les prmières 48 heures, un squat relève d l’ode public (maire-adjoint responsable : Jorge Carvalho), et après il relève de la politique sociale et de l’hébergement (maire-adjointe en charge : Monique Lambert assistée de Mme Gérineau pour les services de la Ville).
Le plus « grand » squat est au 141 avenue de la République. Beaucoup de rumeurs courent à ce sujet, et c’est celui-ci que lorgnent les amateurs de chasse à l’homme.
Allez pourtant vous y promener : on ne remarque rien. Un pavillon qui semble abandonné, pas de voisin immédiat, pas d’ordure qui s’accumule devant, pas d’atelier en plein air dans la zone industrielle des Petites Bruyères, en face.
En tant que maire adjointe en charge du social et des politiques de solidarités, accompagnée de Mme Sylvie Guérineau (chargée de l’accès au droits et de la lutte contre les discriminations, je me suis rendue sur place pour enquête.
Cette maison était squattée depuis plus de 6 mois par 3 ou 4 adultes de nationalité inconnue. Il y a 6 mois sont arrivées des Roms de Roumanie, dont plusieurs avait été expulsés, du temps de Mme Cordillot, des bords de l’autoroute (derrière la Redoute des Hautes Bruyères). Ils ont gardé un lien avec l’hôpital du KB, qui les suit. Ils sont 13 familles soit 27 adultes et 19 mineurs. Ils n’ont pas l’eau et vont la chercher au parc. Ils demandent des containers à ordures ménagères et la scolarisation des enfants.
Mais cette maison, d’apparence abandonnée, appartient en fait à une personne fragile et sous tutelle. Un juge demandera vraisemblablement l’expulsion des squatteurs. Cela laisse le temps à nos services sociaux de préparer leur hébergement. Or, on peut le faire… gratuitement !
En effet, la ville d’Orly par exemple a pu faire construire par une association un petit village de chalets avec salle commune et animateur, entièrement financé par l’Union européenne , la région et le département. Certes, c’est du provisoire, rien à voir avec un vrai appartement en HLM, mais il n’y a pas de raison non plus que les Roms passent devant la file d’attente pour un logement social.
Reste à trouver où. Une suggestion (valable aussi pour les gens du voyage) : il existe un petit triangle non bâti sur le territoire de Villejuif, délaissé parce que de l’autre coté de l’autoroute…
2 Messages
17:09
Mon cher Alain,
J’ai lu attentivement ton article.
Je suis étonné que tu n’ai pas évoqué le mot "rafle" au sujet des "Roms" à notre époque.
Tu as évoqué des pogroms ???
Il faut faire attention au vocabulaire utilisé.
Ne banalises certains évènements comme le fait l’extrême-droite et l’extrême-gauche réunies.
Comme tu le sais, l’intégration de ces personnes est compliquée et pourquoi celles-ci et pas les nombreux SDF :, personnes vivant dans la rue, leu voiture....
Il faut peut-être gérer des priorités.
Et puis, il serait pas mal qu’il y ait un meilleur équilibre entre l’est et l’ouest de l’IDF y compris en matière d’intégration.
Amitiés.
Miche
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12:13
Cher Michel,
Nous faisons en effet attention, comme l’indique le titre, à éviter les amalgames entre les années 30 et les années 40.
La situation des Roms me rappelle la situation des refugiés juifs (et déjà des Roms) fuyant les pogroms des années 30 dans l’Est de l’Europe. Ils arrivaient en Europe de l’Ouest ou aux États-Unis, extrêmement misérables, tentés faute de mieux par la délinquance, considérés avec hostilité par la population locale (y compris juive !) elle-même menacée par la crise et le chômage. Les « rafles », comme celle du Vel d’Hiv ? C’est les années 40, voyons !
C’est quoi la différence entre un pogrom et une rafle ? Le mot russe pogrom signifie détruire, piller. Il est utilisé pour décrire les « attaques accompagnées de pillage et d’effusion de sang contre les juifs en Russie, perpétrées par la majorité (« chrétienne ») des habitants, sans réaction des autorités ou avec leur assentiment. ». La « rafle » est au contraire une action des autorités. Elle consiste à « embarquer » en masse un groupe humain (les clients d’une boite de nuit ou les habitants d’un ghetto), au poste (ou en camp) pour faire le tri plus tard (ou jamais) entre les vrais délinquants et ceux que le racisme assimile à des délinquants. Le racisme consiste justement à considérer que les délinquants roms sont délinquants parce qu’ils sont roms, alors que pour un délinquant "blanc", athée ou chrétien, on lui cherche des raisons personnelles.
Tu peux en effet considérer que les expulsions de masse pratiquées par la police sur certains bidonvilles de Roms, en ne leur laissant même pas le temps de récupérer leurs précieuses et misérables affaires, relève d’un intermédiaire entre « pogrom » et « rafle ».
Oui, il y a face à la gêne occasionnée par la présence de Roms une atmosphère de pogrom appelant les autorités à pratiquer une rafle, des tentatives d’intimidations contre les quelques dizaines de squatters Roms de Villejuif. Et oui, les Français se sont détournés en masse de Pétain après la Rafle du Vel d’Hiv, en 1942, parce que passer de l’agacement antisémite à l’approbation des rafles de masse et à la déportation, il y a une sacrée marge.
Notre travail, à nous citoyens progressistes et humanistes, est de trouver des solutions avant que l’atmosphère de pogrom attisée par quelques amateurs de chasse à l’homme (y compris parmi des électeurs de l’UC ou de Cordillot !) ne vire au pogrom effectif et à l’appel à la rafle.
Tu as raison, l’accueil des réfugiés n’est jamais une tendance spontanée. Les Libanais sont exaspérés par l’afflux de réfugiés syriens, les Tunisiens par l’afflux de Libyens, les Autrichiens l’étaient par l’afflux de Kosovars ou de Bosniaques. La France en prends plutôt moins que sa part…
Tu as raison, la question se pose beaucoup moins à l’Ouest de Paris qu’au Sud, à l’Est et au Nord. Et alors ? Veux-tu que nous présentions un vœu pour ouvrir des camps de réfugiés Rom à Saint-Cloud ou Versailles ? Ok, fais nous une proposition.
Mais pour nos quelques dizaines de Roms de Villejuif, nous avons des solutions provisoires d’hébergement le temps d’une intégration. Même sur place, avenue de la République où ils vivent dans des conditions indignes, ou plus loin dans le « triangle » de l’autre coté de l’autoroute, en attendant que dans quelques années s’y déploient d’autres activités. Il y a des fonds européens, régionaux, départementaux : mobilisons –les pour installer des baraques et des toilettes sèches, avec assistance sociale.
La loi de la République n’exige qu’une chose de la municipalité : scolariser les enfants.
Amicalement
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