Accueil > Actualités > Le microparti bonapartiste de F. Le Bohellec
La mise en circulation de la Charte de "Villejuif Rassemblée", le microparti du candidat sortant, a provoqué un choc, surtout par la 5e partie qui institue une « vente des postes » de futurs maires adjoints. Mais il faut lire l’ensemble, qui exprime le mode de pensée de son auteur, F. Le Bohellec.
On savait F. Le Bohellec de tendance autoritaire, bonapartiste (comme l’avait montré le choix curieux d’un drapeau tricolore, celui de Napoléon III, sur l’une de ses premières initiatives ).
Il a d’abord choisi pour sa candidature la couleur politique de la tendance Pécresse de LR, « Libres ». Puis il a créé son propre microparti local, « Villejuif rassemblée », dont voici la charte :
La 5e partie de la Charte, le financement, lui a valu la Une de 94-Citoyens : « 200 à 5000 euros pour figurer sur la liste de Franck Le Bohellec. »
Ainsi, pour espérer être maire-adjoint, il faut être en mesure d’avancer cash 5000 euros soit environ 3 mois de SMIC : une forme de démocratie censitaire, comme sous le Second Empire en effet, où seule la bourgeoisie avait accès aux postes politiques.
Il faut lire en détail pour comprendre qu’il s’agit d’un montage fort hasardeux. L’argent doit être versé non au compte de campagne de la liste (ce qui est légal) mais à la « structure de financement mis en place par Franck Le Bohellec ». Il faut payer pour avoir un poste d’élu, puis 10% de ses indemnités d’élu. La seconde mesure (les 10%) est classique dans les partis politiques, c’est une forme normale de surcotisation, au-dessus de la cotisation de l’adhérent non élu, prélevé sur les indemnités d’élu gagnées grâce à la mobilisation du parti. La première (l’achat de poste, payé d’avance) l’est beaucoup moins ! Mais il est très clair dans le texte que cette "structure financière mise en en place par F. Le B." est bien un microparti autour de sa personne, destiné à durer, à se présenter à d’autres élections.
Et attention, tout retard de paiement entraine une comparution devant « le Maire » qui établira un échéancier. Car la « structure de financement mise place par F. Le Bohellec » suppose évidemment que celui-ci restera… maire. Maire, chef et donc, trésorier.
C’est le modèle de « Jeanne », le microparti de Marine le Pen. Significativement, l’ex-majorité de F. Le Bohellec a été épurée de tous ses éléments « centristes » (juppéistes du Nouveau Siècle, UDI, membres du Modem ou de La REM restés dans cette majorité jusqu’en septembre 2019) et il n’y a pas de liste « Rassemblement National ». Clin d’œil, le microparti s’appelle justement « Villejuif Rassemblée ».
Le plus étonnant est que la structure de direction du microparti est entièrement calquée sur celle de la municipalité. La partie 2 est rédigée comme si le chef allait gagner les élections. Rien n’est impossible, mais il ne faut pas vendre la peau de l’ours ! Comment fonctionnera la « structure », si le candidat est battu ?
Bon, la partie 2 nous explique comment elle fonctionnera s’il est élu : monarchiquement. Le Maire donne des ordres à son cabinet, qui indiquent aux élus les décisions du Maire : « Il est le chef naturel dont l’autorité ne saurait être contestée ». Les maires-adjoints, qui dans la République reçoivent délégation du conseil municipal, ne reçoivent ici que « délégation du Maire », et tous les élus doivent « observer un strict respect des orientations décidées par le Maire ». Pas question de discuter entre eux ou de penser par eux-mêmes : « Pour tout nouveau sujet dont les orientations ne sont pas encore actées, chaque adjoint doit solliciter un échange avec le maire. »
En fait tout le « 2. a »serait à citer et doit être lu : c’est le seul Führerprinzip. Il y a bien (2.b) des réunions d’adjoints, mais sous la présidence du maire, qui ne peuvent que le conseiller.
Le 2.g précise que cette discipline s’étend à toutes les élections où Villejuif Rassemblée (c’est à dire FLeB) donnerait son investiture à quelqu’un : il est « impératif » pour tous les élus de soutenir son candidat. A plus forte raison, un élu de FLeB ne peut solliciter lui-même l’investiture d’un parti national.
La partie 3 fixe la sanction à tout manque de discipline « même minime » : l’exclusion de son poste.
La partie 4 définit le rôle de la troisième catégorie (après le Chef et les élus) : les « volontaires ». Il ne sont là que pour porter les instructions du Chef e et recueillir les doléances de la population, en aucune manière ce ne sont des « adhérents » participant à la définition de la ligne. Au fait, quelle ligne politique ?
A plusieurs reprises, il est précisé : « VR n’a ni idéologie, ni doctrine, ni aucun attachement partisan ». Sa politique, c’est ce que décide le Chef à l’instant T. Le seul but programmé est une ville « apaisée et rassemblée », alors que c’est lui-même qui pendant 6 ans a multiplié les occasions de conflits (notamment contre les salariés, ceux de la ville comme ceux qui travaillent à Villejuif). « Apaisée et rassemblée » signifie : une ville sans opposition, sans débat, sans critique de ce que décide le Maire, conformément au Führerprinzip. Un Maire parfaitement libre de changer d’avis.
On en a un exemple avec cette campagne : le candidat sortant F Le B, pendant 5 ans, a bétonné la ville, refusé le bio, et à la rentrée 2019 attaqué la géothermie, fermé la seule piste cyclable digne de ce nom, etc. : "L’écologie, ça commence à bien faire" disait N. Sarkozy. A partir de janvier 2020, prenant conscience du tournant écologiste de la population, F Le B a bricolé un programme copié-collé de celui de Villejuif Écologie : 100% de bio, des arbres partout. Naturellement il n’en fera rien : si par malheur le Chef gagne et redevient Maire, d’ici un mois, à nouveau, « l’écologie ça recommencera à bien faire ».
On pourrait croire du moins qu’il conserve quelques principes éthiques, puisque c’est le sujet de la tout première partie ? Elle semble condamner farouchement toute prise d’intérêt, favoritisme, etc ? Eh bien non, lisons bien : il s’agit d’interdir à ses élus de s’octroyer quelque avantage que ce soit… du moins sans l’aval du maire. Car le problème fondamental de telles formes d’autoritarisme, par exemple les régimes fascistes, c’est que le Chef ne peut pas se passer de subordonnés : même ses journées n’ont que 24 heures. Or ces subordonnés sont sans cesse tentés de profiter, à leur propre compte, de cette politique « sans foi ni loi ».
Le fascisme, le stalinisme, avaient une idéologie. Napoléon III n’en avait pas. Il s’agit bien d’un bonapartisme.
Commentaires
Répondre à cet article