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8 décembre 2019
Alain Lipietz

Le vrai problème avec la géothermie

Contrairement aux accusation du maire sortant, la Géothermie est prospère parce qu’elle est bien gérée. Mais elle sera bientôt victime de la politique bien peu écolo de la Macronie : la remise en cause de la cogénération.

Dans un article récent nous faisions justice de la grotesque accusation du maire sortant : qu’elle aurait négligé de renouveler sa tuyauterie ! Mais un vrai problème menace : la fin du tarif de rachat de électricité produite en cogénération.

La cogénération, késako ?

Dans les années qui ont suivi la prise de conscience, au sommet de la Terre (Rio, 1992), de la menace de changement climatique, quelques mesures furent prises par les gouvernements de François Mitterrand pour développer les énergies propres. Deux d’entre elles sont mises en œuvre à Chevilly et L’Haÿ-les-Roses par le Syndicat intercommunal de la Géothermie (le Sygéo) : la géothermie et la cogénération.

La géothermie consiste à aller chercher de l’eau chaude à 2 km sous terre. Mais cette eau ne sort pas assez chaude en hiver pour chauffer toute une ville et lui offrir de l’eau chaude au robinet. Elle est à 75° environ. Pour qu’elle arrive à 90° au pied des immeubles, il faut chauffer encore l’eau du circuit de surface - ce n’est évidemment pas la même eau (*) - au départ des stations de pompage et même de loin en loin par des chaudières-relais. Comment ? Avec des chaudières à gaz.

Eh oui, notre énergie « propre » consomme quand même du gaz naturel, et ces chaudières produisent un peu d’effet de serre. Il faut donc essayer de faire mieux. Comment ? Par la cogénération.

Aux puits de l’Haÿ et Chevilly, le gaz est brulée dans un turbine, comme un réacteur d’avion. En plus de la chaleur, cette turbine peut faire tourner un alternateur qui produit de l’électricité. Et les gouvernements de l’époque ont évidemment encouragé ce « double bénéfice » par un tarif de rachat par EDF avantageux, comme celui dont bénéficie la production des panneaux photovoltaïques chez les particuliers. Quant aux chaudières à gaz-relais sur le circuit (il y en a une place Rodin), elles ne produisent que de la chaleur.

Ce tarif de rachat contribue au très bas coût de la chaleur vendue aux usagers, un des plus faibles qui existe. Certes, cela consomme encore du gaz, dont la combustion contribue à l’effet de serre, mais la géothermie, totalement « propre », contribue pour les deux tiers à la chaleur vendue : autant de gagné par rapport à un chauffage au gaz. Quant à l’électricité, elle aurait été perdue sans la cogénération. En fait, le Sygéo a produit 210 Gigawatt-heures de chaleur (le chauffage de 35 000 équivalent-logements) et 37 Gigawatt-heures d’électricité en 2018.

Au total, les économies réalisées par rapport à un réseau entièrement au gaz représente 43 000 tonnes de C02 par an, soit la quantité qui serait absorbée dans le même temps par la pousse de 10 000 hectares de forêt : la surface de Paris.

Le problème

Ces deux centrales de cogénération ont été remises à neuf il y a quelques années et fonctionneront encore normalement pendant longtemps : il serait stupide de les mettre à la casse. Et pourtant le gouvernement, sous la pression du ministère des Finances, a décidé de ne plus renouveler ce tarif de rachat avantageux à partir de 2022.

Et en même temps, l’écotaxe sur la consommation de gaz n’a cessé d’augmenter jusqu’au mouvement des Gilets jaunes. Aujourd’hui cela représente 1,3 millions d’euros sur les 15 millions de chiffre d’affaire de la Géothermie. C’est légitime puisque le changement climatique est de plus en plus dramatique (les inondations succédant aux canicules). Il faudra bientôt apprendre à se passer complètement du gaz naturel ( pas forcément du bio-gaz) pour le chauffage. Mais il est bizarre (!) de pénaliser une technique comme la cogénération, qui produit de l’électricité en plus de la chaleur produite par la combustion du gaz.

Le Sygéo a anticipé cette évolution. Lorsque, avec 30 ans de tard, Villejuif décida de se joindre à lui, avec un troisième puits, nous n’avons pas eu recours, pour augmenter la température de l’eau, à la cogénération, mais à une technique d’avant-garde, une première en France : une énorme pompe à chaleur.

Une pompe à chaleur pompe de la chaleur quelque part pour la ré-injecté à un endroit déjà plus chaud . Ça ne se fait pas spontanément : la chaleur coule du plus chaud vers le plus froid. Pour lui faire "grimper" le chemin inverse, il faut consommer de l’électricité, comme dans un réfrigérateur. Mais c’est rentable, d’un facteur 4. (Bien sûr, cette électricité achetée à EDF est aux ¾ d’origine nucléaire, ce qui cause d’aussi graves dangers, mais on n’y peut rien depuis Villejuif).

À Villejuif, l’eau qui a chauffé tous les immeubles connectés à la géothermie revient à 40°, la pompe à chaleur en prend 20 et les réinjecte dans l’eau chaude du départ. Nous avons quand même une chaudière à gaz, pour les jours où il fait très, très froid, et par sécurité en cas de panne, c’est pourquoi il y a une cheminée.

Restent les deux turbines remises à neuf de l’Haÿ et de Chevilly. Si on revend leur électricité à EDF ça ne rapportera plus grand chose après 2022. On a bien pensé utiliser cette électricité « en interne » pour faire marcher la géothermie de Villejuif, mais... On n’a pas le droit, parce que nos machines sont trop grosses et à plus de 2 km !!

Et malgré nos lettres et rencontres avec les responsables gouvernementaux, il n’y a rien eu à faire. Ce gouvernement , qui prétend « Make the Planet great again » (comme dit le président Macron qui se pose en champion face à Trump), fait le contraire de ce qu’il dit, c’est pourquoi Nicolas Hulot est parti. Nous sommes d’accord qu’il faut apprendre à se passer de gaz, mais le gouvernement doit tenir compte des efforts déjà accomplis : la combinaison géothermie+cogénération, c’est ce qui se faisait de mieux il y a quelques années, même si c’est moins bien que la combinaison géothermie + pompe à chaleur.

Si nous ne prenons pas de nouvelles mesures, le prix de vente de la chaleur, à grille de tarification inchangée (celle-ci comprend une partie liée au prix du gaz qu’on achète et de l’électricité qu’on revend) devra augmenter pour les usagers. Ça restera parmi les moins chers modes de chauffage, mais ça sera quand même un choc, au niveau des charges, pour les locataires et propriétaires.

Nos solutions

Elles sont à l’étude. On pense notamment à :

- changer le régime d’utilisation de la cogénération,
- installer de petites pompes à chaleur aux deux vieux puits de l’Haÿ et de Chevilly,
- fermer toutes chaudières-relais sur le circuit et les remplacer par des chaudières centrales plus économiques,
- récupérer encore plus de chaleur de la combustion du gaz grâce à un système de pompe à chaleur à absorption (on récupère la chaleur qui part avec la fumée)...

En combinat toutes ces mesures (pas très couteuses) , on peut espérer diminuer nettement le surcout pour le consommateur qu’entrainera la fin des avantages de la cogénération. Et ce n’est pas tout : en diminuant considérablement la part du gaz, le système du Sygéo passerait de 67 % d’énergie propre à 82 % ! Non seulement il servira encore mieux la Planète, mais il pourra bénéficier de nouvelles primes dans le cadre du système européen d’objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

Il resterait pourtant, semble-t-il, un surcoût pour l’usager, à tarification égale.

Et là il faudra prendre des décisions politiques. Comme nous l’avons expliqué, le Sygeo est peu cher et pourtant il autofinance son développement très rapide en faisant tous les emprunts nécessaires dans cette course de vitesse mondiale contre la production d’effet de serre, et les rembourse très vite. Mais le gros des investissements est fait : avec le puits de Villejuif et le déploiement du circuit principal sur Villejuif, y compris le gros tuyau qui part alimenter la future ZAC Campus Grand Parc. Dans quelques années il faudra beaucoup moins d’invetissements. Il sera alors possible de réviser la grille tarifaire, au profit des usagers. Surtout si par ailleurs l’isolation des immeubles est généralisée.

La question de la géothermie, comme toute la lutte contre le changement climatique, est à la fois technique (on vient de le voir) et politique : on choisit ou pas de mettre le paquet, et on choisit ou pas de faire contribuer les usagers. En attaquant la géothermie sous des prétextes invraisemblables, le candidat F. le Bohellec a montré son orientation. Celle des écologistes ? C’est l’inverse.

***

(*) L’eau qui vient de la couche géologique du Jurassique est très corrosive, elle ne sort pas de l’usine, où elle échange sa chaleur contre l’eau d’un circuit de surface, et elle est aussitôt réinjectée en profondeur (où elle se réchauffe à nouveau). L’eau du circuit de surface est de l’eau ordinaire. Elle échange sa chaleur, à 90°, au pied de l’immeuble, contre un troisième circuit qui appartient au gestionnaire de l’immeuble : ça ne regarde plus la Géothermie. Si votre appartement est mal chauffé, ce n’est pas la faute de la Géothermie, mais d’un mauvais réglage ou d’une mauvaise conception du chauffage central de votre immeuble !

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