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1er avril 2014
Alain Lipietz

Très brève analyse d’une victoire

Nous tenons d’abord à remercier nos électeurs et nos électrices du premier tour qui, manifestement, nous ont très largement suivis dans le choix (annoncé dès le mois de décembre, il est vrai) de la fusion au second tour au sein de l’Union citoyenne pour Villejuif. De l’avis général, c’est à votre fermeté qu’est largement due la victoire de l’Union citoyenne.

Celle-ci est nette : 48,7% pour l’Union contre 43,5% pour la liste Cordillot (PCF-PS-MRC), soit 5,2 points d’écart, ou encore 805 voix de différence !

Innombrables furent les Villejuifoises et Villejuifois qui, dès le début de la semaine dernière et encore au lendemain du vote final, ont salué avec effusion le courage politique et le dévouement à leurs concitoyens de Natalie Gandais et des autres militantes et militants EELV suspendus par les autorités du leur parti. Vos témoignages d’estime nous ont particulièrement touchés et réconfortés, et nous vous en remercions. Mais nous rappelons, sans fausse modestie, que, nous aussi, nous sommes de simples habitants de Villejuif et que notre vie quotidienne dépendait aussi du résultat de cette élection.

Nous comprenons que certaines et certains ne nous aient pas suivis. Les habitudes de bipolarisation dictées par la Ve République rendent plus difficile qu’ailleurs en Europe d’accepter la notion de liste citoyenne définie par des intérêts ciblés, si forts soient-ils : arrêter la densification anarchique et la destruction des espaces verts, restaurer la propreté et la tranquillité publiques, mettre de la démocratie et de la transparence dans la gestion locale…

L’Union citoyenne totalisait une avance considérable, irrattrapable dès le soir du premier tour. Le PCF a néanmoins tenté une contre-offensive tardive et désespérée, mobilisant des militants, sinon de toute la France, du moins de tout le Val-de-Marne. Ils distribuèrent jusqu’à 4 tracts par jour dans chaque boite aux lettres. Certains de ces tracts (et jusqu’à l’affiche et la profession de foi officielles de Mme Cordillot) annonçaient même le ralliement à la liste PCF-PS de certains membres de notre liste. Mafout Djahlat s’en aperçut à temps. D’autres ne s’en rendirent compte que le samedi, voire le dimanche. Une autre, avec notre accord, fit semblant de céder à des pressions psychologiques qui n’épargnaient pas ses propres enfants

Et surtout ces militants PCF lancèrent dans la ville une campagne de terreur avec un discours catastrophiste, nous assimilant aux ligues fascistes qui tentèrent, le 6 février 1934, de renverser la République (voir en Annexe un exemple de cette littérature, où l’odieux le dispute au ridicule). Si nous gagnions, disaient-ils, les auxiliaires des écoles seraient licenciées, les HLM rasés, etc.

Le jour même du vote, tous les ménages qui « devaient » quelque chose à la mairie (une place en HLM, à la crèche, un emploi) étaient rabattus jusque chez eux, dès l’ouverture du vote et dans l’après-midi. Au bureau 33 on leur affirmait qu’il fallait ne prendre qu’un bulletin sur la table (et le bon…) avant d’entrer dans l’isoloir ! Effectivement, vérification faite, il n’est pas écrit explicitement dans le code électoral qu’il faut en prendre plusieurs pour assurer la sincérité et le secret du vote…

Il est tout à fait dommage que le PCF villejuifois, qui depuis plusieurs années avait évolué et largement renoncé aux méthodes brutales de la période stalinienne, ait achevé un règne de plus de 80 ans par une semaine aussi terrible, qui restera durablement « sa dernière image » pour les Villejuifois.

Il faut avoir tous ces éléments en tête pour analyser les résultats. Peut-être l’analyse par bureau de vote nous en apprendra plus. Ici nous nous en tenons aux résultats sur tout Villejuif et à nos impressions de campagne.

***

Il y a eu 15 569 suffrages exprimés, soit 1832 de plus qu’au premier tour. La liste Lutte Ouvrière (277 voix) était éliminée. Le vote Front National, qui avait dépassé les 10% (ce qui permettait à ses candidats de se maintenir) a chuté de 332 voix.

Soit un solde de 2441 nouvelles voix disponibles pour les deux listes principales. La liste de Mme Cordillot a augmenté son résultat de 2280 voix et la liste de l’Union de 159 voix. Il y a eu 431 blancs et nuls.

Ces résultats indiquent (sans certitude absolue) plusieurs choses.

1. Il est probable que l’essentiel des 277 voix LO (qui faisait partie de la majorité sortante) s’est reportée sur Mme Cordillot (mais pas toutes ! nous en avons des témoignages). Il est donc probable que la liste Cordillot a gagné l’essentiel des 2000 voix restantes chez les abstentionnistes « mobilisés ». Mais encore une fois ils ne se sont pas tous mobilisés pour elle, et certains, notamment dans l’Alternative Citoyenne pour Villejuif (jeunes adultes des quartiers populaires), qui avaient renoncé à se présenter, se sont « réveillés » entre les deux tours. Constatant que « cette fois, ça peut changer à Villejuif », ils ont voté pour nous.

2. Il y a donc forcément quelques électeurs des listes de l’Union au premier tour qui ont voté Cordillot au second tour. Certains l’ont dit publiquement : Mme Rollin de la liste Vidal, M. Mercier de notre liste. On en a une autre trace : le recul du Front National. Plusieurs militant-e-s de l’Union ont su, en dialoguant dans les cités, arracher au vote FN des citoyens ou citoyennes qui « se trompaient de colère » et utilisaient le bulletin FN pour clamer leur rage contre Cordillot et tout le "système". L’Union leur a offert une alternative positive au vote de colère.

Cependant, les études nationales montrent qu’il existe aussi un vote « gaucho-lepeniste » qui retourne au PCF au second tour (et heureusement !). Si on l’estime à une cinquantaine ou une centaine de voix sur 332 perdues par le FN, on voit que au moins 230 voix ont été arrachées par l’Union au FN, soit plus que le gain total de l’Union (159 voix). Il y a donc eu forcément une déperdition d’au moins 70 voix des listes de premier tour de l’Union vers Cordillot ou vers l’abstention. Ces quelques dizaines de voix (peut être deux ou trois centaines si la mobilisation des abstentionnistes vers l’Union a été de cet ordre) est en tout cas dérisoire par rapport aux 2800 voix des listes Gandais et Vidal au premier tour.

Ajoutons le mystère des 431 votes nuls. Ils peuvent venir d’anciens votes FN ou d’ancien votes de l’Union. Dans les deux cas, ils impliquent qu’il faut majorer les votes pour l’Union venant de l’abstention au premier tour : la "crédibilité de la victoire" a un peu mobilisé en faveur de l’Union (mais certainement moins qu’en haver de la liste Cordillot.)

Le vote pour l’Union ( Diverses Droites – Divers Gauches –Écologistes) est donc bel et bien un « Objet Votant Non Identifié » mais globalement sûr de lui.

3. Mais le solde des voix arrachées par l’Union au Front National est forcément inférieur à 330. Or l’Union a devancé la liste Cordillot de 800 voix. Il est donc grotesque de dire (comme le PCF le clamait le soir des résultats en mairie) que nous avons gagné « grâce aux voix du Front National ». Et en tout état de cause nous sommes fiers d’avoir fait reculer le Front National, ce que les PS-PCF considèrent apparemment comme un péché.

***

Voici donc le « camembert » du nouveau conseil municipal. S’agissant des personnes, on remarquera que :
-  des deux groupes de droite sortants, seul M. Harel fera partie du nouveau Conseil municipal,
-  du Modem, seul Jorge Carvalho est réélu,
-  du groupe Verts-Villejuif Autrement, seule Catherine Casel est réélue,
-  du PS, Mostefa Sofi qui nous avait rejoints au premier tour a décliné la participation à la liste de l’Union par défiance envers la tête de liste UDI, JF Harel, même s’il a fait campagne pour nous sur le terrain.

La représentation de l’Union Citoyenne pour Villejuif est donc presque entièrement composée de « nouvelles têtes ». Ce qui ne veut pas dire que nous sommes inexpérimentés ! Mais seule Natalie Gandais a l’expérience des exécutifs locaux (7 ans maire adjointe puis 6 ans collaboratrice de deux vice-présidences d’agglomération).

Le « camembert » distribue ses élus en fonction des investitures politiques nationales obtenues par les listes au premier tour, ce qui ne préjuge en rien de la composition des groupes politiques dans la future assemblée. On remarque néanmoins que sur le papier et si l’on s’en tient aux étiquettes, "la gauche" et les écologistes restent majoritaires au Conseil municipal. La frontière entre la majorité « citoyenne » et l’opposition porte donc exclusivement sur le programme pour les Villejuifois.

Annexe

Voici un exemple de la "littérature" déversée sur Villejuif par le PCF la semaine dernière. Les fins connaisseurs observeront que, sans doute pour la première fois depuis des dizaines d’années, des communistes français osent porter publiquement un jugement implicitement positif sur le pacte germano-soviétique de 1939 et le partage de la Pologne entre Hitler et Staline au début de la seconde guerre mondiale, trahison ayant conduit le gouvernement Daladier issu du Front Populaire à arrêter les dirigeants communistes français et destituer leurs députés, du moins ceux qui n’avaient pas quitté le PCF, scandalisés.

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Commentaires

12 Messages

  • Gila 2 avril 2014
    11:41

    Merci Alain pour cette analyse qui montre effectivement que la place accordée aux contre-pouvoirs n’a jamais été aussi grande à Villejuif.
    J’ai toujours été partisan de représentations politiques proportionnelles, et d’un fort équilibre des pouvoirs et contre-pouvoirs. Je suis donc plutôt satisfait à la vue du nouveau camembert municipal sur ce point.

    Comme de nombreux Villejuifois, je vis aujourd’hui positivement la défaite de Mme Cordillot, qui représentait pour moi la faillite d’un système usé et perverti, devenu un handicap de notre ville, alors qu’il a pu être force de progrès par le passé.

    Effectivement, il est bon de rappeler que le mandat donné par les électeurs à Mr le Bohellec n’est pas l’application d’une politique dictée par l’UMP, mais guidée par les désirs de citoyens de toutes obédiences politiques, et nous comptons sur vous pour le lui rappeler aussi souvent que nécessaire. Nous attendons de nos élus, de tous nos élus, qu’ils conduisent des actions en faveur de tous, une politique ouverte, citoyenne et démocratique, basée sur l’écoute et la concertation avant tout.

    Comme de nombreux autres, je resterai attentif, et au besoin critique, jugeant les actes à venir du nouvel exécutif municipal à l’aune de l’intérêt collectif.
    Et comme de nombreux Villejuifois j’espère, je n’hésiterai pas à faire entendre ma voix lorsque je le jugerai nécessaire, lorsque j’estimerai que les actions de la municipalité sortent du mandat que je leur ai confié.

    Bon courage à vous dans l’écriture de cette nouvelle page de l’histoire villejuifoise.

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  • Franck 2 avril 2014
    15:48

    Je constate avec approbation que vous dénoncez ici la tentative de récupération que l’UMP, via Dominique Reynié et Franck LeBohellec, essaie de faire du succès de la liste d’union citoyenne pour Villejuif.
    Les villejuifois ne sauraient accepter d’avoir sorti l’appareil PCF pour tomber dans les mains de l’appareil UMP.

    Nous n’avons pas vaincu la peste pour accepter le choléra !

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  • Meilleur Ami 3 avril 2014
    15:55

    Votre camembert souffre d’ambiguité et coule dans sa boite.

    Soit vous présentez les élus par organisations d’appartenance, auquel cas vous découpez la part Cordillot en PCF, PS, PG, MRC.

    Soit vous mettez union de la gauche et union de la droite ainsi que les listes ont été inscrites en préfecture (ce qui a le mérite et la clarté d’être en cohérence avec les contenus défendus par les 2 adversaires).

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    • Alain Lipietz 3 avril 2014
      16:09

      Ce qui a été inscrit en sous-préfecture, c’est "Divers" (sur le conseil du sous-pref lui-même). Nous ne sommes pas responsables des manipulations ultérieures.
      Comme indiqué dans la légende, le "camembert" est ventilé par listes du premier tour.
      Si l’on veut rentrer dans le détail de la liste Cordillot, il me semble que l’on a : 5 PCF, 3 PS, 1 PG, 1 MRC.
      On pourrait également décomposer les autres listes, par exemple la liste le Bohellec : X UMP, Y Modem, Z MEI, le reste sans étiquette. Idem sur les 3 autres listes. Mais je vous avoue que tout le monde s’en fiche. La question des futures groupes du futur Conseil municipal reste, elle, intéressante. A suivre, donc.

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  • observateur...dubitatif 4 avril 2014
    19:21

    Intéressante cette lettre "À l’attention des 45 colistiers de la liste « UNION CITOYENNE pour VILLEJUIF »,
    et des 135 autres colistiers des quatre listes du 1e tour", trouvée sur le blog de Mr HAREL et sur aucun blog des autres têtes de liste du 1er tour !

    http://www.vivreavillejuif.org/2014...

    Cette opération, d’apparence très démocratique, ne révèlerait-elle pas plutôt une certaine difficulté à se mettre d’accord sur le nom du futur Maire ?
    A suivre ....

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  • Julienne 4 avril 2014
    23:26

    Alors, même pas une semaine ... même pas une semaine de faux-semblants. Tellement y ont cru à ce rêve, à ce beau nom : union citoyenne pour Vlilejuif ! ... renommons le : Union des ambitions individuelles pour Villejuif. Même pas une semaine. C’est la faute d’Harel dîtes-vous. Vous dîtes aussi " comme on pouvait s’y attendre ...". Vous le pressentiez, vous le saviez et pourtant vous avez tout fait pour faire croire aux Villejuifois le contraire : vous leur avez menti ! Nous on a discuté, échangé, certains sont allés voter avec le mal au ventre. On a respecté entre nous tous les choix. Et vous ? vous avez négocié, magouillé. Vous vous êtes fait de fausses promesses. Moi ? Je vais relire mes vieux classiques de l’Anarchie. J’y ai jamais cru. Mais vaut mieux ça que ceux qui sombre au FN non ? Si on revote ; le FN fera 20% et on dira merci qui ?
    Pa du tout cordialement
    Julienne

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    • Alain Lipietz 5 avril 2014
      12:25

      Bonjour Julienne
      je ne sais pas très bien qui est le "nous" au nom duquel vous parlez. Votre famille ? Les anarchistes de Villejuif ? Je sais que pour les libertaires la question de la confiance, du rapport inter-individuel est important, plus important que les rapports de parti à parti.
      Je ne cache pas que "l’Union EELV-UMP" n’aurait pas eu lieu sans un certain rapport de confiance "le Bohellec-Gandais", sans des rapports de confiance, voire de sympathie et d’estime qui se nouaient entre ses militants et les nôtres, alors que nous n’avions pas une image favorable de Jean-François Harel. Et ce, depuis longtemps, depuis le temps où il représentait… l’UMP !
      Tous les anciens Villejuifois savaient qu’à cette élection de 2008 son propre groupe d’élus avait explosé dès la première semaine, lui-même ne restant qu’avec Mme Vincelet… qui n’était même plus sur sa liste "Vivre à Villejuif" en 2014.
      Donc en effet la question s’est posée "pouvait-on faire confiance à Harel ?"
      Et c’est vrai que chez nos colistiers, certains n’ont pas participé à la liste de l’Union, "à cause de Haret".
      Nous leur avons répondu "Nous verrons bien, les hommes peuvent évoluer, se hisser au dessus d’eux-mêmes dans des circonstances exceptionnelles". Nous savions très bien que l’élection n’était pas terminée avant le 3e tour (l’élection du maire) et surtout que nous faisions alliance avec une liste de citoyens, pas avec un seul individu, mais avec sa liste, "Vivre à Villejuif".
      Bon, JF Harel a de lui-même pris l’initiative du tri, il l’a fait pendant la semaine où Mme Cordillot était encore la maire en place, et il faut l’en remercier : nous commencerons sans lui, mais avec beaucoup de ses colistiers.
      Vous critiquez mon " comme on pouvait s’y attendre …", et vous commentez sévèrement : "Vous le pressentiez, vous le saviez et pourtant vous avez tout fait pour faire croire aux Villejuifois le contraire : vous leur avez menti !"
      Relisez-vous et réfléchissez à votre cascade rhétorique commençant par "pressentiez" en finissant par "menti".
      Pressentir c’est mentir ? Alors que signifie pour vous "accorder sa confiance" ? "accorder une confiance réservée" ? "donner sa chance" ? Pensez vous vraiment être fidèle à l’éthique libertaire ?
      Vous pourriez nous critiquer "d’accorder imprudemment une confiance injustifiée", mais nous avions pris toutes les mesures de prudence, et la "faute de casting" a été épargnée aux Villejuifois avant même l’élection du maire, y compris et surtout par les colistier-e-s de "Vivre à Villejuif", qui l’ont fermement désavoué dès le mardi soir (quand il a annoncé sa volonté de se présenter contre Frank le Bohellec en tout état de cause) et hier soir encore lors de sa fausse convocation.
      C’est une souffrance pour les amis de M. Harel, que nous remercions pour leur loyauté, un soulagement pour les autres, mais c’est la vie.

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  • Alain Lipietz 22 avril 2014
    00:05

    Je m’apperçois que j’ai omis de rapporter un détail sur le demi-millier de votes nuls. Je l’ai interpêté (parce que c’étaiti clair dans mon bureau de vote) comme un vote d’embarras : "Ni Cordillot, ni Harel-le Bohellec".
    Il n’y pas que ça, je l’ai appris par les scrutateurs qui l’ont fait inscrire au cahier d’observations, par exemple bureau 33, celui où les tentatives de fraude furent plusieurs fois repérées.

    Dans certains bureaux de vote, donc, des dizaines de bulletins pour nous étaient "pré-annulés" par de minuscules "UMP" ou croix de Lorraine, écrits de la même écriture, donc pas par l’électeur. Elles étaient assez petites pour que l’électeur ne s’aperçoive pas que le bulletin était nul, mais les scrutateurs PCF le savaient, les repéraient, et les faisaient annuler. Un truc qu’on ne connaissait pas : c’est le manque de vigilance de l’électeur lui-même qui provoque la fraude. Assez imparable, sauf à examiner en permanence les piles de bulletins.

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  • Votre nom 23 avril 2014
    02:09

    (Re) bonsoir monsieur Lipietz,

    Juste un petit mot sur le pacte germano-soviétique, tant que j’y suis, ou plutôt sur le contexte qui l’entoure. Car on peut difficilement écrire l’histoire sans parler de son contexte. Le pacte Germano-Soviétique, somme toute, est-il plus ou moins infamant que les relations germano-françaises de cette époque ? Staline était-il supposé aller seul au front quand la France et l’Angleterre admettaient elles aussi l’Anschluss et l’invasion de la Pologne, alors même que l’Union Soviétique était exsangue ? Une famine en Ukraine, je crois... Il s’agissait, bien sûr, d’une manoeuvre pour gagner du temps. Staline savait fort bien qu’Hitler préconisait dans Mein Kampf qu’on fusille tous les communistes. Quant à considérer que le gouvernement Daladier était issu du Front Populaire, nous allons là à la querelle d’historiens... Le Front Populaire est dissout dès 37. En France, à cette époque là, la bourgeoisie et les industriels déclaraient avec bonhomie : "Plutôt Hitler que le Front Populaire..." Les moins antisémites espéraient qu’il se contenterait de déporter Léon Blum (un socialiste, pourtant, mais juif)... Dans ce contexte, croyez vous vraiment que les communistes avaient la moindre chance d’échapper aux persécutions qu’ils subissaient dès 33 en Allemagne ? Soyons sérieux...

    Bien sûr, on peut être anticommuniste. Mais on ne peut pas négliger que le premier mouvement à entrer en résistance (en France, car en Allemagne, des communistes Allemands résistaient déjà et finissaient déjà dans les KZ) fut le FTP-MOI, un mouvement communiste. On ne peut pas négliger non plus que quand le général De Gaulle voulut s’appuyer sur des mouvement sérieux, c’est sur le Front National (encore des communistes) qu’il dut s’appuyer. Et enfin, on ne peut pas affirmer que ce ne furent pas les ministres communistes qui après la libération mirent en oeuvre le programme du Conseil National de la Résistance (ah, cette fois-ci ce n’était pas que des communistes) qui permirent entre autres la création des retraites par répartition, de la sécurité sociale et le vote des femmes. Ces gens là méritaient-ils vraiment qu’on les dépossède de leurs droits en 38 quand la France n’était pas encore occupée ? Vous trouvez ? Quand la collaboration a t’elle commencé à votre avis et comment expliquez vous la débâcle militaire de 1939 ?

    Ceci dit, vous voyez : le CNR, c’était des gens comme vous... Une liste d’union en quelque sorte. Des socialistes, des chrétiens démocrates, des gaullistes... Ils n’avaient pas encore d’écologistes, mais ils avaient des communistes et des syndicalistes. Et un projet de société qui tenait par dessus tout à la souveraineté nationale, ce qui doit vous interloquer en tant qu’ancien député européen.

    Les circonstances sont curieuses... Saviez vous que, retenus en otage par le Reich, Léon Blum et François de la Rocque, le dirigeant des Croix de Feu, étaient voisins dans leurs résidences surveillées ?

    Bonne journée.

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    • Alain Lipietz 23 avril 2014
      15:09

      Cher Anonyme

      C’est un plaisir de revenir sur le sujet du tract de P. Staat comparant notre victoire (qu’il craignait) à la tentative de renversement de la République le 6 février 34 et à « 1939, quand dans l’union sacrée la plus large les député communistes ont été destitués, ouvrant ainsi la voie de la collaboration avec l’occupant allemand. »

      Je note d’abord, et vous en remercie, que vous sautez la référence à 1934, en effet parfaitement ridicule, et que vous rapprochez intelligemment la liste Union citoyenne pour Villejuif du CNR, qui réunissait en effet « des gens comme nous » : des gaullistes, des démocrates chrétiens, des socialistes, des syndicalistes. Il y avait en plus des communistes et en moins des écologistes, mais la liste Union citoyenne comprenait aussi d’anciens communistes s’estimant trahis par ceux qui abusent de ce titre.

      Merci en tout cas pour cette comparaison, qui ne nous avait d’ailleurs pas échappée !

      En revanche vous prenez comme M. Staat la défense du pacte germano-soviétique et de l’invasion de la Pologne dans les termes suivants : « Staline était-il supposé aller seul au front quand la France et l’Angleterre admettaient elles aussi l’Anschluss et l’invasion de la Pologne, alors même que l’Union Soviétique était exsangue ? Une famine en Ukraine, je crois... » Je ne peux laisser passer une telle confusion de la chronologie, évoquée pourtant avec précision par P. Staat !

      La famine en Ukraine, « l’Holodomor » est de 1930-33, et tout le monde l’attribue à Staline lui-même (le débat entre les historiens ne porte que sur l’intentionnalité). Le Parlement européen a reconnu dans une résolution de 2008 l’Holodomor comme un « crime effroyable perpétré contre le peuple ukrainien et contre l’humanité ».
      L’Anschluss est de 1938, comme les accords de Munich signés par Daladier qui offrent les Sudètes à Hitler.

      Le Pacte germano-soviétique est du 23 aout 1939. Il apparait d’abord comme un pacte de non-agression, que la direction du PCF tente de justifier de votre manière (Staline ne peut plus avoir confiance dans des alliés qui ont signé Munich, en 1938). Mais la crise est profonde chez les militants qui déchirent leur carte. 27 députés communistes sur 74 désapprouvent le pacte, dont 24 quittent le parti. Mais les autres ne sont pas destitués : ce n’est pas de cela dont parle P. Staat. Toutefois Daladier interdit la presse communiste, passée à l’ennemi à la veille de la guerre.

      En réalité il existe des clauses secrètes du Pacte : le partage de la Pologne, de la Finlande et l’attribution des pays baltes à l’URSS. Le 1er septembre, Hitler attaque la Pologne, et la France et l’Angleterre entrent en guerre aux cotés de la Pologne. Les anciens Munichois de gauche comme Daladier et le syndicat des instituteurs (« Ah ! les cons ! ») se sont enfin décidés à mourir pour Dantzig faute de l’avoir fait pour les Sudètes. C’est « l’Union sacrée préparant la collaboration avec les nazis » que dénonce P. Staat avec un culot d’acier.

      Mais les député communistes « pro-pacte » ne sont toujours pas destitués et, le 3, faute d’instruction de Staline, votent à tout hasard les crédits de guerre. Le 17 septembre, Staline attaque la Pologne à revers pour prendre sa part du butin, et le contenu du pacte se dévoile enfin. Daladier, sous la pression de Léon Blum, laisse encore, aux députés communistes partisans du pacte, leur chance de revenir à la raison et à l’honneur. Le 27 septembre enfin, alors que l’armée polonaise agonise, Daladier destitue les 47 députés communistes soutenant le pacte et le partage de la Pologne. C’est l’épisode très précisément évoqué par le tract de second tour de P. Staat et de ses acolytes.

      Léon Blum réagit avec vigueur : « Si des communistes sont personnellement convaincus de trahison, qu’on les poursuive et qu’on les fusille comme traîtres. Mais le PC en lui-même n’est justiciable, selon moi, que de la conscience publique et la seule peine dont il eut du être frappé était la réprobation universelle. » Le PCF lui en saura-t-il reconnaissant ? Non, il prétendra que Blum a voulu… faire fusiller les communistes. P. Staat reprend la même rhétorique.

      La suite est connue. Des généraux imbéciles laissent la Pologne puis la Finlande se faire dépecer par les compères du pacte, en pendant leur linge sur la ligne Maginot. Fin septembre, ordre est donné par Georges Dimitrov (chef de l’Internationale communiste) à Guyot, son correspondant français, de cesser les attaques contre les Allemands et de ne plus dénoncer que la « guerre impérialiste » des Britanniques et des Français. Les dirigeants du PCF désertent (Maurice Thorez le 4 octobre) et se regroupent en Belgique ou passent en URSS. Il y a 3600 arrestations de communistes pour intelligence avec l’ennemi. Mais le seul cas vraiment avéré de sabotage de l’effort de guerre par les communistes, au profit de l’Allemagne nazie, est celui des usines de moteurs Farman, qui paralysera en effet une partie de l’aviation française.

      Le 10 mai 1940 l’Allemagne se retourne vers le front ouest et balaie les armées franco-anglo-belges. Le communiste Politzer, rompant avec la ligne Dimitrov, prend contact avec le gouvernement de Paul Reynaud pour négocier un ralliement à l’Union sacrée dénoncée par P. Staat. Mais le gouvernement de la 3e République sombre, la France de Pétain capitule le 22 juin 1940.

      Dans la débâcle, c’est Maurice Tréand qui assure la coordination au sein PCF aussi désorganisé que l’État français, et de celui-ci avec l’Internationale Communiste. Il donne l’ordre à Catelas (député communiste destitué, seul dirigeant resté à Paris) de prendre contact avec les autorités d’occupation pour négocier la re-légalisation du PCF. Voici l’argumentaire qu’il suggère : « Juif M[andel] après Dal[adier] nous a emprisonné. Fusillé des ouvriers qui sabotaient défense nat. (…) Je répète avons lutté contre Dal[adier] contre M[andel], R[eynaud], avons au poteau d’exécution amis fusillés. »

      Le 25 juin 1940, Jean Catelas, qui dans le fond n’est probablement pas d’accord, écrit à la Propaganda-Staffel pour demander l’autorisation de reparution de L’Humanité :
      "L’Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche d’être au service du peuple et de dénoncer les responsables de la situation actuelle en France. L’Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l’impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre, et d’appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance contre leurs oppresseurs capitalistes. L’Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique d’amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d’une paix durable."

      Beau comme l’Antique… Bon, j’arrête là. Vous en savez assez. Un an plus tard, Hitler se retourne contre Staline, bien obligé alors de s’allier à l’impérialisme britannique. Le PCF se « réconcilie avec lui-même » et rejoint ses dissidents de 1939, les socialistes, les démocrates chrétiens, les gaullistes dans la Résistance… en commençant par « sur-jouer » celle-ci pour se racheter, avec des attentats entrainant l’exécution d’otages, opérations irresponsables que condamnera Marcel Cachin (celui de notre école) et d’autres, mais c’est une autre histoire.

      Vous esquissez une reconstruction hasardeuse de cette histoire, traitez par le mépris la première résistance, celle de 40-41, avant l’arrivée des communistes et citez la FTP-MOI (autonomisée en avril 42 des FTP créés en 1941 apres le passage du PCF dans la résistance, et qui sera sacrifiée par le PCF) comme le « premier mouvement à enter en résistance » (sic). Vous considérez comme « pas sérieuse » la résistance fondatrice, celle des Jean Moulin et autres, de Combat (Frenay et Berthie Albrecht), de Libération-sud (E. d’Astier de la Vigerie, Jean Cavaillès, Lucie et Raymond Aubrac)… tous à pied d’œuvre dès 1940.

      De Gaulle, dans ses Mémoires, se défend d’avoir dû recourir parfois même à des gens bizarres, y compris des Cagoulards, y compris de l’Action Française, dont Cordier, le secrétaire de Jean Moulin à Lyon… Les seuls, explique-t-il, à avoir une formation à l’action clandestine étaient les militants d’extrême–droite et les communistes, or les communistes étaient dans l’autre camp ! Pas tous, heureusement : les Aubrac étaient des « compagnons de route » anti-pacte.

      Dans l’histoire qui nous concerne ici, il apparaît que P. Staat a repris la défense des Tréand et autres dirigeants staliniens du PCF, contre les courageux dissidents communistes ou proches, tels les Aubrac, résistants de la première heure.

      Cordialement

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