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30 mai 2016
Alain Lipietz

Le tribunal administratif annule l’achat de la Gendarmerie !

Le TA de Melun vient d’annuler l’achat, par l’ancienne équipe municipale de Villejuif, de l’ex-gendarmerie, Bd Maxime Gorki. Le bail signé par Mme Cordillot avec l’Association Musulmane de Villejuif est annulé "par voie de conséquence".

Attention. Une Infolettre indique par erreur cet article au lieu de notre article sur "la loi Sapin 2 et le cas Villejuif". En fait , cliquez là.

Rappel des faits

La Gendarmerie Nationale ayant quitté Villejuif, son bâtiment est devenu propriété du Conseil général du Val de Marne. Ces gendarmeries désaffectées (avec des pièces communes et des appartements) sont en général réutilisées en centre d’accueil d’urgence pour familles avec enfants. C’est d’ailleurs ce que les écologistes avaient demandé à la préfecture au moment du « choc de solidarité » (bien oublié), en décembre 2012.

Mais Mme Cordillot, après s’être opposée pendant des années à l’ouverture de la mosquée Rachad (avenue Youri Gagarine), pourtant financée sans aucune subvention des contribuables, tente de se réconcilier avec l’électorat musulman. Elle négocie avec le Département le rachat du bâtiment de la gendarmerie, contre une dizaine d’appartements à prélever sur les ZAC ou, à défaut 2.100.000 euros à payer en 2018. Ceci afin de louer le terrain pour rien (un euro par an sur un bail de 99 ans, dit « bail emphytéotique administratif ») à une nouvelle association cultuelle (concurrente de Rachad), l’Association des Musulmans de Villejuif, qui y construirait une seconde mosquée.

Comme le bien est estimé à 3,1 millions par France domaines, on peut donc considérer que ce cadeau à l’AMV est à la charge des contribuables villejuifois pour 2,1 millions, et pour 1 millions à la charge de ceux du Val de Marne. A noter que depuis plusieurs années la mairie loue à La Poste un local rue du Morinet et le sous-loue à l’AMV pour un prix inférieur, ce qui constitue déjà une subvention. En outre, l’AMV a un énorme retard de loyer.

À cette opération de clientélisme immobilier de Mme Cordillot s’ajoute l’opposition du Parti socialiste à l’ouverture de tout centre d’hébergement "avec cuisines et salle de réunion" dans Villejuif, exprimée avec une vigueur stupéfiante par Sophie Taillé-Polian et G. Teriltzian.

Le bail emphytéotique est voté lors de la dernière séance du conseil municipal de la mandature Cordillot, en février 2014. L’équipe sortante répète en boucle que les musulmans auraient ainsi un « lieu de prière enfin digne », méprisant la mosquée Rachad, que nous trouvons très jolie, discrète et confortable, contrastant avec le projet assez pharaonique de la seconde mosquée.

L’Avenir à Villejuif exprime son indignation, fondée entre autres sur : la violation de la laïcité, l’urgence de trouver des lieux d’hébergement, les problèmes de stationnement déjà révélés par la fréquentation de l’église copte jouxtant le terrain. Nous nous engageons, si nous sommes élus, à trouver un autre site que l’AMV pourrait acquérir en pleine propriété.

Ce problème de la proximité de l’église copte (dont les fidèles sont pour la plupart des Égyptiens fuyant les persécutions islamistes dans leur pays d’origine) éveille vite les craintes de l’Association des habitants et riverains de la ZAC Aragon. L’église copte tente elle-même de faire recours contre la construction d’une mosquée quasi-mitoyenne, mais elle est déboutée. L’argument de l’équipe Cordillot pour imposer cette proximité aux coptes ? « Il n’y a aucune raison pour que « ça se passe mal » entre musulmans et coptes en France. »

Quelques mois plus tard, un djihadiste recevra la consigne, venue de Syrie, d’aller mitrailler les églises de Villejuif. Son commanditaire pensait plus probablement aux chrétiens orientaux de l’église copte…

Dans les quelques jours entre le vote du conseil municipal et les élections, Mme Cordillot signe le bail emphytéotique. Et aussitôt l’AMV lance un tract appelant à voter Cordillot : un tract à 2,1 millions d’euros ! Comme on sait, ce tract n’a aucun effet.

Opposée à ce cadeau électoral et inquiète de la proximité avec l’église copte, l’Association des habitants et riverains du quartier Aragon déposera plusieurs recours, contre les modalités de la cession et contre le bail emphytéotique.

Que fait l’Union citoyenne après son élection ?

Il n’est pas envisageable pour la nouvelle équipe de résilier l’achat de la gendarmerie (signée devant notaire fin 2013) : Mme Cordillot a bien verrouillé les choses. Quant au bail emphytéotique, bien qu’il comporte des clauses de résiliation, le maire F. le Bohellec décide de ne rien tenter juridiquement (malgré nos propositions), ni même d’en finir avec les privilèges de la rue R. Morinet (alors qu’il faut tailler dans les services publics et augmenter les impots des Villejuifois) , espérant parvenir à un accord avec l’AMV. Le 11 juillet 2014, F. le Bohellec fait pourtant voter par le Conseil municipal une délibération l’autorisant à passer contrat pour une étude juridique afin de voir comment se débarrasser de ce bail. A notre connaissance ce contrat ne sera jamais passé, en tout cas nous n’avons jamais entendu parler de son résultat.

Nous comprendrons progressivement que F. le Bohellec, peu soucieux de se mettre à dos ni l’électorat d’une partie des musulmans, ni les habitants du quartier Aragon, compte sur les recours de l’association des riverains...

L’AMV a obtenu un permis de démolir. Ainsi qu’un permis de construire mais... qui déborde du terrain de la gendarmerie. En effet, non contente d’avoir le terrain gratuitement pour 99 ans, l’AMV avait entendu une sorte de promesse qu’elle pourrait acquérir un morceau du terrain voisin (l’ensemble où était le garage Opel, qui s’intercale entre l’église copte et la gendarmerie).

Natalie Gandais, en tant que maire-adjointe à l’urbanisme, commence par annoncer au propriétaire de ce terrain voisin que la nouvelle municipalité ne souhaite pas la construction d’un second grand complexe cultuel, culturel et commercial à cet endroit, et qu’il peut disposer de la totalité de son terrain pour y réaliser un projet combinant accession à la propriété, logement étudiant et logement social pour jeunes travailleurs, ainsi qu’une salle de réunion pour l’église copte.

Ensuite, elle cherche différents emplacements pour que le maire les propose à l’AMV. Notamment une réserve foncière (actuellement portée par le SAF) sur le bas de la côte de la Nationale 7, à proximité du métro Léo Lagrange. Le maire se réservera par la suite les négociations avec l’AMV (sans en rendre compte à la première adjointe, pourtant déléguée à l’urbanisme et au patrimoine).

Enfin, Natalie Gandais cherche à rendre le bâtiment de l’ex-gendarmerie à sa vocation sociale première : un centre d’hébergement pour les familles, dont l’Ile de France manque tragiquement, si possible avec une dimension intergénérationnelle. La crèche parentale pourrait occuper le rez de chaussée. Habitat et Humanisme manifeste son intérêt, dans le cadre d’une opération plus complexe avec le promoteur voisin. La revente de la gendarmerie est du coup inscrite au budget 2015. Mais l’affaire du bail bloque tout.

Abandonné si longtemps, le bâtiment de la gendarmerie dépérit et prend des airs de friche sur la Nationale 7. Il est pillé par des voleurs de cuivre. Peu avant Noël 2015, de jeunes ménages avec enfants, employés à bas salaires de la Ville de Paris, artisans, artistes, viennent le squatter et le retapent. Ils se présentent très poliment à Natalie Gandais, en mairie. Les fenêtres se rallument, on aperçoit depuis le Bd Maxime Gorki des appartements décorés, les voisins ne se plaignent pas. Le maire engage pourtant une procédure d’expulsion… alors que du fait du bail de l’AMV, il n’est pas maître de ce bâtiment !

Pendant ce temps, tandis que le maire cherche à son tour à se concilier l’AMV, l’Association des riverains d’Aragon, dont plusieurs animateurs sont membres de L’Avenir à Villejuif, poursuit son action devant le Tribunal administratif de Melun pour remettre en question cette aberrante opération immobilière : contre la vente elle-même, et contre le bail. C’est à ces recours que le Tribunal administratif vient de donner sa réponse.

Que dit le Tribunal ?

Voici ses décisions :

1. S’agissant de la vente du bâtiment par le Département à la Ville de Villejuif, le tribunal annule l’acte de vente, du fait du prix mal précisé : les fameux « appartements à prélever sur les ZAC ».

Notez que si Mme Cordillot avait tranquillement fait voter : « On achète pour 2,1 millions ce bien foncier qu’on laissera gratuitement à une mosquée pour 99 ans », le Tribunal n’aurait rien eu à redire mais tout Villejuif (de gauche à droite) aurait hurlé. Le coup des appartements à prendre sur les futures Zac servait uniquement à dire (comme l’avait expliqué candidement M. Lebris) : « Ça ne coûtera rien aux Villejuifois » (ce qui bien sûr est faux). Manœuvre retoquée par le Tribunal.

2. S’agissant du bail emphytéotique : le Tribunal confirme la légalité du bail. Mais, astuce, le tribunal précise :

Autrement dit, ce bail étant, de par la décision précédente du même tribunal, signé par un bailleur qui n’est pas propriétaire, il est annulé "par voie de conséquence" !

En fait ce second jugement, tout en cassant le bail indirectement par cette astuce, s’inscrit dans une évolution de la jurisprudence administrative qui affirme tranquillement que la loi créant le bail emphytéotique administratif « déroge légalement à la loi de 1905 » de séparation de l’Église et de l’État, un des piliers traditionnels de la laïcité. L’État et les collectivités territoriales auraient maintenant le droit de financer les cultes en leur offrant un terrain pour une bouchée de pain.

On ne va pas discuter ici si c’est bien ou pas bien. Il est clair que, si l’Église catholique peut utiliser gratuitement les églises contruites avant 1905 (qui restent propriété des Communes, et que celles-ci doivent entretenir), il faut bien trouver une solution pour aider les autres religions qui se développent : islam, pentecôtistes / évangélistes, bouddhistes… Mais à Villejuif les édifices religieux de ces trois religions n’ont bénéficié jusqu’ici d’aucun soutien public. L’AMV serait la première … sauf que le terrain n’est plus la propriété de Villejuif ! Et demain si une nouvelle église évangélique plus ou moins sectaire exige les mêmes privilèges ?

En outre il est dommage que le tribunal n’ait pas explicitement cassé le bail (comme le demandait le rapporteur public) mais l’ait seulement rendu nul "par voie de conséquence", car cela laisse à l’AMV une marge d’argumentation pour demander un dédit aux Villejuifois, parce que Mme Cordillot a mal combiné l’achat de la gendarmerie !

Que faire maintenant ?

Première solution : on en reste là. Le département reprend son bien et fait ce qu’il veut avec : proposer un bail emphytéotique à l’AMV, ou reprendre le projet d’Habitat et Humanisme, ou vendre à un promoteur… La Ville n’a plus à payer 2,1 millions en 2018, ouf.

Seconde solution : Villejuif et le Val de Marne corrigent le contrat, Villejuif garde l’ancienne gendarmerie et ne refait pas de bail à l’AMV (qui exigera sans doute un dédit, mais la Ville pourrait enfin exiger des comptes sur la rue R. Morinet, le plus raisonnable étant de passer l’éponge réciproquement ), mais la convainct d’acheter le terrain SAF du Bas de la Côte (par exemple), et revend l’ancienne gendarmerie, après un appel d’offre en bonne et dûe forme, pour un projet à vocation sociale comme celui d’ Habitat et Humanisme.

C’est ce que nous aurions fait sans doute, mais avec le maire que nous avons, il peut être plus sage de laisser le Département se débrouiller.

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Commentaires

2 Messages

  • Natalie Gandais 11 juin 2016
    18:51

    Contactée par le bureau de l’Association des habitants et riverains du quartier Aragon, l’avocate recommande d’ anonymer les jugements du tribunal administratif de Melun publiés sur ce site. Ce qui est fait.

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  • Alain Lipietz 15 juin 2016
    12:31

    Plusieurs Villejuifois nous demandent ce que signifie que le bail est annulé « par voie de conséquence » de l’annulation de la vente (dans le premier procès) , et pas directement par une décision du tribunal sur le second procès. Relisons bien le passage reproduit dans notre article.

    Le 5 avril 2016, le tribunal de Melun a averti les deux parties (ligne 12) que : « l’annulation [de la vente ] impliquerait par voie de conséquence l’annulation de la délibération du 6 février 2014… autorisant le maire à signer le contrat [de bail]. » Et c’est précisément ce que le tribunal décide le 4 mai : le tribunal annule la vente, donc Mme Cordillot n’avait pas le droit de signer le contrat de bail. Sauf qu’elle l’a fait, et donc l’AMV se trouve titulaire d’un contrat devenu inopérant, parce que celle qui l’a signé, Mme Cordillot, n’en avait (finalement) pas le droit.

    C’est évident : on ne peut pas mettre en location un bien dont on n’est pas propriétaire. Mais reste à comprendre les conséquences de la « bourde » (sans doute cette fois involontaire) de Mme Cordillot, qui croyait de bonne foi que la Ville était propriétaire.

    Passons par une analogie. Supposons que vous achetiez et réserviez auprès d’Air France un billet d’avion pour New-York.

    Premier cas de figure : Air France s’aperçoit que vous avez payé avec un chèque en bois. Le contrat de transport est annulé directement parce que fautif.

    Second cas de figure : l’achat du billet est parfaitement honnête, mais, le jour venu, il y a une éruption volcanique en Islande et la Météo interdit les vols. Le vol Air France est annulé, mais pas votre billet ! Cependant, « par voie de conséquence de la l’annulation du vol », votre billet et votre réservation ne servent à rien : ils sont inopérants. Que se passe-t-il alors ? Vous pouvez soit vous faire rembourser, soit reporter votre voyage à une date ultérieure, quand les vols seront rétablis.

    La grande différence entre le bail emphytéotique et un billet d’avion, c’est que la seconde solution n’est pas possible : le bail n’est pas « récupérable ». Même si la Ville de Villejuif finit par acquérir l’ancienne gendarmerie, comme le maire, F. le Bohellec, a déclaré au Parisien en avoir l’intention. S’il veut ensuite louer ce terrain à l’AMV, il devra contracter un autre bail. Nous pensons qu’il n’osera pas affronter ainsi l’hostilité de son électorat. La seule issue est donc la première solution : rembourser ! C’est à dire rembourser 1 euro par an sur 99 ans.

    Mais si l’AMV voulait jouer les mauvais coucheurs, elle pourrait en toute rigueur faire un mauvais procès et demander plus : « Mme Cordillot nous a fait un bail et le tribunal a dit qu’elle en avait le droit, que cela ne violait pas la loi de séparation des églises et de l’État. Bon, elle nous a fourgué un bail sur un terrain qu’elle n’avait pas, mais cette faute ne nous concerne pas, notre signature au bas du bail était correcte, la Ville de Villejuif doit nous indemniser. » Évidemment l’AMV perdrait la sympathie de tous les Villejuifois et n’aurait plus aucune chance de retrouver un terrain pour construire sa deuxième ou troisième mosquée. Et il est douteux qu’un tribunal lui accorde plus que le remboursement de l’euro symbolique. Mais cela reste théoriquement possible, du fait de la décision du tribunal, qui n’a pas annulé le bail directement, mais seulement « par voie de conséquence ».

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